Fouda Fabrice

Un Portugais peut en cacher un autre

« Mourinho va devoir batailler pour retrouver un banc de touche prestigieux » terminait Gilles Campos dans son article « Son bilan à Manchester et au Real, la vente de Salah… Mourinho règle ses comptes ! » Une sortie partisane qui a valu au rédacteur de Maxifoot une grosse leçon de journalisme venu d’un commentaire de l’un des très fidèles abonnés du site. Alain Zind : « « tandis que Mourinho va devoir batailler pour retrouver un banc prestigieux » : la phrase-type du jugement de valeur qui devrait être absolument évitée par un journaliste : 1) Sur quelles données avancez-vous cette hypothèse ? Avez-vous consulté personnellement tous les dirigeants de tous les « gros » clubs ? 2) Du coup, si Mourinho retrouve un poste d’ici peu, vous aurez l’air quand même un peu béta. J’aime bien Maxifoot car ça centralise les infos de manière synthétisée (bref, du journalisme au carré), mais ces phrases conclusives sont symptomatiques d’une syntaxe expéditive et partiale, basée sur des a priori ou des idées reçues. » Quelque chose à ajouter ?

APRIL 18, 2009 – Football : Manager Jose Mourinho of Inter during the Serie A match between Juventus and Inter Milan at the Stadio Olimpico di Torino on April 18, 2009 in Turin, Italy. (Photo by Tsutomu Takasu) – Flickr CC BY 2.0

Oui… Tout est dit

Les réactions à cet article ne sont pas toutes de ce type didactique. La plupart sont même contre l’entraîneur portugais comme l’atteste celui-ci : « Ce qui m’énerve avec ce mec c’est que ce sont toujours les autres les fautifs depuis Porto il est devenu un coach qui veut toujours travailler dans le confort nous ne sommes pas en interne à Manchester United je doute vraiment que les conditions étaient si difficiles comme il le dit et c’est lui qui a souvent eu les problèmes avec ses joueurs qu’il a voulu comme Mihktaryan donc il connait les qualités en tant que 10 il le fait venir pour le faire jouer sur le côté il demande à Sanchez juste parce qu’il ne voulait pas que celui-ci aille à City comme il a fait avec Fred quoiqu’on puisse dire il a cherché a ce faire virer d’United en dégradant ses relations avec l’effectif et ses piques en direction des dirigeants Il parle de Salah il a fait venir Salah mais il n’a pas souvent donné la chance à celui-ci de jouer comment un joueur doit il confirmer son potentiel etant sur le banc. »

Vous remarquerez qu’il n’y a pas de ponctuation dans cette exclamation de « l’auditeur » Döc Chakallo. Une rafale verbale qui raconte bien sa colère. Un discours qui lui a valu une mention « J’aime » d’Arnaud Gnek. « Bien dit » félicitera le « follower » après avoir souligné dans sa première réaction (la seconde à propos de l’article) : « Monsieur le journaliste, essayez de faire des rédactions pertinentes sans prise de position. Nous sentons bien que vous détestez Mourinho à en mourir, tellement il est si spécial. Le monde est fait ainsi. Tout le monde ne peut se comporter de la même manière. Vous faites semblant de ne pas voir ses grandes œuvres et vous vous acharnez sur ses erreurs. » On voit donc ici que Monsieur Arnaud, bien qu’il ne soit pas forcément pro José, ressent qu’on reproche au lusitanien des choses extérieures au football. Mais lesquelles ?

José Mourinho par apasciuto (Flickr) – Wikimedia Commons CC BY 2.0

Ma parole contre la tienne

Nous ne le saurons vraiment jamais… Toutefois ce qui est certain, c’est qu’ils sont nombreux à avoir insufflé cette idée selon laquelle le limogeage de l’ancien sociétaire du Rio Ave FC de Manchester était le début de sa fin. Certains lui ont même suggéré de rentrer entraîner son pays ou dans son pays. Une façon polie de lui indiquer que le monde civilisé ne veut plus de lui. Quoique Mourinho « a déjà refusé trois offres ». Des « vétos » qui indiquent clairement qu’il garde sa côte très élevée sur le marché. Il était d’ailleurs à Lille pour superviser Pépé et Thiago Mendes pour un éventuel transfert des deux pépites. C’est un grand entraîneur et c’est tout. Personne ne peut le nier. Encore qu’à chaque fois qu’il a été viré, il est allé dans un club plus grand que celui qu’il a laissé.

Lorsqu’il quitte Chelsea en 2007, il signe à l’Inter de Milan. Lorsqu’il revient et quitte encore les Blues en 2015, il signe à Manchester United. Aujourd’hui qu’il est parti de Manchester United, il est espéré au Real Madrid. Fred Hermel : « Mourinho a conservé 25 à 30 % de supporters qui sont complètement fous de lui à Madrid. Ces personnes considèrent encore aujourd’hui qu’il est un des plus grands entraîneurs du monde. Il est le gourou d’une secte ‘mourinhiste’ à Madrid. Il y a des personnes qui aiment le show Mourinho. Puis, le président, Florentino Perez, aime beaucoup le Portugais. En privé, il le considère comme l’un des meilleurs techniciens que le club n’ait jamais connu. Je rappelle aussi que ce coach est parti en très mauvais terme avec le vestiaire et avec certains journalistes mais pas avec les dirigeants madrilènes. »

Le journaliste poursuivra en précisant  : « La révolution dans le vestiaire, après cette année pourrie, risque d’être tellement énorme que les dirigeants ne vont très probablement pas demander aux joueurs leurs avis. Au niveau des coaches, il n’y a pas non plus pléthore de choix sur le marché. (…) Il est aussi intéressant de rappeler que le club appartient à ses supporters. Si, dans un sondage, une part importante des ‘socios’ réclame le retour du Portugais, cela pourrait avoir une influence sur la décision. » On observe donc derrière ces mots une réelle contradiction. Cette déclamation prouve que Mourinho a fait du bon travail au Real et qu’une bonne partie des médias essaye de dissimuler ce fait en jouant sur la sensibilité du public. Un sabotage pur, simple et pour rien. Un homme qui fait du mauvais travail ne monte pas en grade.

Une figurine d’ouvrier par geralt – Pixabay CC0

Si Mourinho avait vraiment foutu la « merde » à United ; s’il n’était plus désiré pas les cadors européens, il ne serait pas cité comme potentiel preneur du plus grand club au monde. Notre vision étrangère ne nous permet pas d’avoir un point de vue clair sur la situation. Mais, ceux qui « vivent » dans cet univers savent qui est compétent et qui ne l’est pas. Parmi eux le président de la Liga Javier Tebas : « Ce ne serait pas une mauvaise chose pour la Liga. C’est un coach fantastique qui a de nombreuses qualités et ce serait fantastique de l’avoir parmi nous, mais qui sait dans quel club il irait ? » Le patron espagnol ajoutera même plus récemment en parlant de Pep et Mou : « J’aimerais qu’ils reviennent dans notre Championnat. Ce sont deux grands managers, avec leurs controverses, leurs styles différents. Mais ils ont prouvé qu’ils sont des entraîneurs d’élite. »

Lassana Diarra taclant Messi par Addesolen – Wikimedia Commons CC0 1.0 Universal (CC0 1.0) Public Domain Dedication

Une opinion que ne partage pas Andrés Iniesta pourtant. Sur le passage de José à Madrid, le joueur du Vissel Kobe affirme : «  Il n’est pas nécessaire d’être à Barcelone ou au Real Madrid pour savoir que la situation était désagréable. Et la clé de cette histoire était José Mourinho. Il ne s’agissait plus de la rivalité qui existait auparavant, cela allait au-delà, c’était devenu de la haine. Cette atmosphère s’est développée et était insupportable. La tension Barça-Madrid créée par José Mourinho a causé beaucoup de dégâts à l’équipe nationale et à ses joueurs.  »

Beaucoup de dégâts en équipe nationale et à ses joueurs ? Mourinho est arrivé en Espagne en 2010 et est reparti en 2013. Cette période constitue une grande partie de la période la plus faste de l’histoire de la sélection ibérique (2008-2012). Championne du monde et d’Europe en titre à cette époque, la Roja était simplement la meilleure équipe de la planète. Avec lui entraîneur de la Casa Blanca, elle a atteint son apogée. Notamment en 2012 lorsqu’elle bat l’Italie en finale de l’Euro 4-0. Et quand il part, elle débute son déclin par cette cinglante défaite en 2013 lors de la finale de la Coupe des Confédérations contre le Brésil 3-0. Avant l’élimination humiliante au premier tour du Mondial 2014. Une « déqualification » qui marque la fin d’une hégémonie outrageuse. Comment est-ce possible si le collectif – arme du football espagnol – est fortement touché ? Les voitures abîmées ne gagnent pas de courses. Les problèmes entre Madrid et Barcelone n’ont rien à voir avec Mourinho. C’est une longue histoire…

Présentation Statistique par GraphicMama-team – Pixabay CC0

De bonnes affaires en l’occurrence

C’est le récit d’une opposition politique qui s’est muée en guerre civile pour finir en derby. Un match d’exception qui a exporté le football espagnol « jusqu’au Japon », pour parler comme un de ces fans qui a eu la chance de voir cette rencontre à l’œil nu. Une saison mythique dans une série culte où on a longtemps assisté à un All Stars Game en aller-retour (voire plus). D’un côté la Pep Team : Messi, Iniesta, Xavi, Daniel Alves, Jordi Alba, Mascherano… Et de l’autre la Spécial One Team : Cristiano Ronaldo, Sergio Ramos, Xabi Alonso, Mesut Ozil, Angel Di Maria, Marcelo…

Une époque que le dirigeant de la ligue professionnelle espagnole a bien raison de regretter. La Liga était le championnat le plus suivi au monde en ce temps-là. Un engouement qui est depuis retombé comme l’atteste The Happy One (Surnom de Mourinho) : « La Liga n’a plus les deux meilleurs joueurs du monde. L’un d’eux est en Espagne (Messi), et l’autre en Italie (Cristiano). Avec l’Angleterre, qui est le championnat le plus compétitif et où il y a le plus de top joueurs, on a un foot à trois dimensions. Maintenant ils vont tous regarder vers l’Italie pour Cristiano, vers l’Espagne pour Messi et vers l’Angleterre pour son championnat. En ce moment, la Serie A est devenue le championnat le plus important du monde. » Son retour serait donc une excellente opération sur le plan marketing. Il serait ainsi le « nouveau Ronaldo ». Son arrivée comblerait un vide, rétablirait l’équilibre et relancerait ainsi une visibilité écorchée par le départ de CR7 à la Juventus.

Au-delà du désamour qu’il doit endurer, Mourinho reste une icône dans le sport roi. Il attire l’attention sur lui et sur tout ce qui l’entoure. Sa présence dans un pays est un atout économique majeur. Il est l’un des principaux moteurs du football business de nos jours. Il sait parler. Il fait parler. Il fait vendre. Il attire les caméras et les supporters dans les stades. Chacune de ses rencontres est une scène clé d’un film à suspense. Bref, il mobilise l’intégralité du monde du ballon rond.

Dans son article « Adidas veut que Mourinho revienne à Madrid » SPORTS MARKETING MD écrira : « Le principal partisan du retour de Mourinho au Real Madrid n’est autre que son président, Florentino Perez, qui estime que l’entraîneur portugais est l’idéal pour reprendre un navire qui navigue à la dérive (…) Adidas a toujours considéré le départ de Mourinho du Real Madrid comme un coup dur pour le marketing sportif. (…) Maintenant, avec la possibilité de son retour, Adidas commence à faire des calculs et des chiffres sur les performances qui pourraient lui permettre de devenir entraîneur du Real Madrid et ambassadeur de la marque dans le monde entier, une signature qui porterait sûrement un coup important à son grand rival Nike. » La description d’une aura forte qu’il ne doit qu’à son palmarès.

Image Portugal par Kurious – Image Pixabay CC0

Why always me ?

L’actualité dans le football c’est aussi la Ligue des Champions et cet affrontement à Madrid entre l’Atletico et la Juventus. Une défaite 2-0 des Turinois ponctuée par cette déclaration de Cristiano Ronaldo en zone mixte : « Déçu ? Oui, mais c’est le football. J’ai gagné cinq Ligues des Champions, l’Atlético zéro. Moi, cinq, l’Atléti, zéro. » Un dire accompagné d’un signe des 5 doigts : une vérité qui a fait le tour du monde pour les mauvaises raisons. Le génie portugais est qualifié d’arrogant et on lui « saute » dessus comme jamais. À côté on a un Diégo Simeone qui se touche les parties génitales pour célébrer le premier but de ses hommes mais « personne » n’en parle. Sous une atmosphère qualifiée de géniale, tu peux donc te faire insulter durant tout le match et devenir un problème juste en montrant ta main.

Une polémique qui nous renvoie encore à José Mourinho ; artisan portugais lui aussi, de répliques médiatiquement blâmées. À la tête de Man U, l’ancien entraîneur du FC Porto s’était attiré les foudres des « micros » pour des gestes similaires à celui du buteur Turinois. C’était en conférence de presses après le match perdu 0-3 contre Tottenham ; face à Chelsea à Stamford Bridge (2-2) ; et contre la Juventus en Ligue des Champions à la suite d’une victoire 1-2. Le tacticien venait alors de montrer trois doigts pour : illustrer ses trois titres de Premier League et demander un peu plus de respect à des journalistes apparemment satisfaits de sa déconvenue ; rappeler aux supporters insultant de Chelsea qu’il a gagné trois titres sur les six que comptent le club ; et aux tifosi de la Juventus son triplé historique chez les Interistes. Le technicien lusophone avait même accompagné son geste à Turin en se soulevant le lobe de son oreille droite, histoire d’entendre encore ses voix qui l’ont agoni pendant plus de 90 minutes. Une manifestation qui tout de suite lui a valu d’être traité d’irrespectueux, d’arrogant etc. Et s’il avait imité ce Simeone surexcité… ? Comme quoi, certains ont le droit de faire la Manita pour humilier leurs adversaires battus 5-0, d’autres non. Quand bien même ces derniers ne font que réagir.

Cristiano Ronaldo et Lionel Messi par Too V-i – Flickr CC BY 2.0

Ainsi, Messi peut donc insulter les arbitres : « La conne de ta mère. Fils de Pute. » Critiquer ouvertement son vice-président Javier Faus : « Ce Monsieur ne connaît rien au football. Il veut gérer le Barça comme une entreprise alors que ça n’en est pas une. Le Barça est le meilleur club du monde et il devrait être uniquement dirigé par les meilleurs dirigeants du monde (…).» S’attaquer à son entraîneur : « On se fiche de ce que tu (Sampaoli) nous dis. On n’a plus confiance en toi. On veut avoir notre mot à dire. » Refuser d’être remplacé par Luis Enrique. Insulter ses coéquipiers : « Tu (Alexis Sanchez) ferais mieux de me passer plutôt que de marquer. Quand on voit combien il y a de déchets dans ton jeu, je ne comprends pas comment tu as pu coûter si cher! » Quitte à les faire pleurer : « Mais qu’est-ce que tu (Tello) fabriques ? T’es nouveau ici et tu n’es rien du tout. Passe-moi le ballon, tu es là pour jouer pour moi ! » Il reste génial.

Cristiano et son compatriote demandent un peu de considération : quelle impertinence ! Gagne et ferme-la pour résumer. Ainsi va ce monde. Un monde divisé en deux parties : ceux à qui on pardonne tout et ceux à qui on n’accorde rien du tout. Les deux portugais ne sont pas parfaits certes. Le capitaine des Quinas (Surnom des joueurs de la sélection portugaise) a également eu à manipuler son entrejambe en devisant à un officiel : « Hey, Mateu ! Tu aimes ça, hein ? Tu aimes ? » Et Mou à mettre son doigt dans l’œil de feu Tito Villanova. Cependant à chacune de leurs émotions ils sont violemment jugés. Quand Mourinho pleure, il communique. S’il court sur le bord de la pelouse pour manifester sa joie, il en fait trop. Mais lorsque Guardiola le fait (Chelsea – Barcelone en 2009) on applaudit. Ronaldo jubile, il fait une publicité. Il fait une publicité de sous-vêtements, il fait une connerie. On oublie que la plus grande de ses publicités s’appelle Kylian Mbappé.

Kylian Mbappé avec la Coupe du Monde par Антон Зайцев – Wikimedia Commons CC BY-SA 3.0

Le champion du monde, le jeune le plus impressionnant de l’histoire du football depuis Pelé s’est inspiré de Cristiano Ronaldo pour être ce qu’il est. Il avait son poster dans sa chambre et aujourd’hui on voit ce que ça donne. L’élève a dépassé le maître, preuve que le quintuple Ballon d’or est un grand enseignant : un exemple. Abdou Diallo ancien partenaire de KM7 à Monaco : « Sa référence, c’est Cristiano Ronaldo. Pour Kylian, il ne faut pas toucher à Cristiano. Si tu lui parles de Messi, tu es parti pour 1 heure de débat. Mbappé est admiratif de Ronaldo car c’est une machine, un vrai travailleur. Il s’inspire beaucoup de lui et toute notre génération devrait s’en inspirer. »

Supportrice portugaise par 1966666 – Pixabay CC0

En outre, chacun des gestes du binôme portugais connaît une extrapolation médiatique très inquiétante. Même assagis, ils ne sont pas moins épargnés. Ils appartiennent encore et toujours à cette caste de personnes contraintes à la perfection pour exister. Portugaise comme cette championne d’Europe en titre qualifiée de « dégueulasse » pour avoir été efficace. Disons que l’auteur n’avait aucune arrière-pensée en utilisant ce synonyme de répugnant pour saluer le succès. Mais quelle idée d’offenser un vainqueur parce que « pas beau » à notre gout ? Une mauvaise idée, une position à l’origine d’une rupture sociale qui malheureusement n’a pas empêché la récidive. On prend la même subjectivité et on recommence. La preuve que rien ne leur sera donné, pas mêmes leurs victoires. Négation qui toutefois contribue à leur pérennité. Un obstacle qui fait d’eux des êtres invulnérables… Cristiano Ronaldo : « Votre amour me rend fort, votre haine me rend invincible. » 

Statue de Bronze de Cristiano Ronaldo par upstairsgbr – Pixabay CC0


Andrés Iniesta : Un Ballon d’or dans les mains

L’image la plus évidente d’un footballeur élu Ballon d’or, est celle le montrant de façon élégante le Ballon d’or dans les mains. Logique ! Porté par Luka Modric désormais, le trophée forgé par le bijoutier français Mellerio dits Meller n’a jamais dérogé à cette règle. Depuis sa création en 1956, l’orfèvrerie a généralement fait de son propriétaire la plus précieuse des « pierres » balle aux pieds. Un joueur d’exception, un joyau taillé par un Homme. Un chef-d’œuvre humain avec tout ce que ça comporte comme imperfections…

Andres Iniesta par Clément Bucco-Lechat – Wikimedia Commons CC BY-SA 3.0

Objet de divergences

Aussi prestigieux soit-il, un trophée reste un objet. Incapable il est de trouver son véritable possesseur tout seul. Sa qualité de corps inerte exige qu’il soit guidé. Piloté le cas échéant par une humanité dotée d’une sincère objectivité.

L’année dernière Jorge Valdano déclarait : « Luka est un joueur merveilleux, il est l’un des rares joueurs dans le monde qui peut vous réconcilier avec le football. Modric est clairement le “Andres Iniesta” qui était en Afrique du Sud il y a huit ans, il embellit le football. » Une comparaison excessive qui pourtant a porté ses fruits. L’argentin a été suivi et le croate élu Ballon d’or. Le métronome Merengue a bénéficié de son statut de finaliste du Mondial 2018 pour terminer au premier rang. Une récompense doublée du Prix The Best décerné par la FIFA. Un présent qui entretient son peu glorieux passé récent.

En effet, en septembre 2016 France Football et la Fédération Internationale de Football mirent un terme à leur coopération pour l’attribution du Ballon d’or. Une désunion qui continue toutefois de faire un avec le résultat final, la différence nulle à l’aube de sa troisième année. Ronaldo en 2016 et 2017, Modric maintenant et toujours pas d’Iniesta. Pourtant « il y’a huit ans », le Blaugrana remportait la Coupe du Monde face aux Pays-Bas. Un succès pour « rien » : une deuxième place injuste derrière Lionel Messi au Ballon d’or. L’unique buteur de la finale du premier Mondial Africain connait alors la meilleure performance de sa carrière dans l’histoire de ce classement. Une erreur irréparable que l’autorité compétente du football européen corrigera du mieux qu’elle peut deux ans plus tard…

Luis Suarez par Auteur Inconnu – Wikipedia Domaine Public

Meilleur joueur du Vieux Monde

En 2012 Andrès Iniesta recevait le Prix UEFA du Meilleur Joueur d’Europe. Laquelle parure constitue sa seule « médaille d’or » obtenue sur une saison des institutions du football. A l’origine de la distinction, une seconde victoire de suite à l’Euro après 2008. Une promotion qui relie naturellement le destin du meilleur joueur du Championnat d’Europe en question à celui de Luis Suárez. Le champion d’Europe 1964 reste l’unique Ballon d’or espagnol à ce jour. Barcelonais à l’époque, le coéquipier du légendaire Laszlo Kubala venait de remporter le Championnat d’Espagne et la Coupe d’Europe des Villes de Foire. Nous sommes en Décembre 1960 et la récompense désigne le meilleur joueur évoluant en Europe.

Une précision indispensable : un changement qui interpelle. Depuis que le Ballon d’or désigne le meilleur joueur du monde, aucun espagnol n’a été sacré. Tant en sélection qu’au FC Barcelone, Léo Messi a bénéficié seul de l’hégémonie Ibérique du football. Un jeu collectif porté par un Iniesta stratosphérique et ignoré. Le Don Balón 2009 a pourtant plus impacté le football européen et mondial que son « aîné » Luisito (Surnom de Luis Suárez). Le milieu gauche que France Football assimilait à « L’autorité d’un duc, la précision d’un géomètre et la beauté d’un Apollon » et Di Stefano au « grand architecte du football mondial » n’atteint pas le champion du monde à la cheville. Et ce n’est pas Juan Roman Riquelme qui pourra le nier : « Il faut regarder le jeu de Barcelone pour apprendre. Et surtout Iniesta. Parce que si Messi et Cristiano inscrivent beaucoup de buts, le meilleur c’est Iniesta, il t’apprend à jouer au football. »

FC Barcelone par Christopher Johnson – Wikimedia Commons CC BY-SA 2.0

Le vrai Andrés

Lionel Andrés Messi Cuccitini a été Ballon d’or de 2009 à 2012 et en 2015. Deux périodes qui coïncident bizarrement avec un gigantesque Andrés Iniesta Luján. Les fortunes diverses des deux Catalans en équipe nationale en sont la preuve. Sans Iniesta, Messi c’est 0 trophées internationaux. Avec Iniesta, Messi c’est 4 Ligues des Champions. Trois avec exactitude, étant donné qu’en 2006 l’espagnol était déjà essentiel au club Bleu et Grenat, contrairement à l’Albicéleste. Arrivé en 2002 en A, utilisé comme latéral droit, avant-centre, ailier, milieu relayeur, offensif et récupérateur par les hollandais Louis Van Gaal et Frank Rijkaard, le stratège cumulait déjà plus de 100 matchs à son actif. On se souvient de ce but magique qui élimine Chelsea et qualifie le Barça pour la finale en 2009. Quand son impact date déjà d’au moins trois ans auparavant.

En 2006 comme en 2009, Iniesta est à l’origine des buts de Samuel Eto’o lors des finales contre Arsenal et Manchester United. Face aux Gunners Henrik Larsson donnera la passe décisive au Camerounais. Mais contre les Mancuniens ce sera le petit génie de la Roja qui servira le Lion Indomptable après une percée héroïque. Une performance qu’il rééditera en 2011 avec Lionel Messi à la finition ensuite et en 2015 avec Rakitic à la conclusion enfin. Deux victoires 3-1 contre Man U « again » et la Juventus qui complètent la somme à quatre sur les cinq succès décomptés par le club en Ligue des Champions. En outre, Iniesta a joué un rôle capital dans les victoires barcelonaises du 21e siècle. Une constance au sommet, l’apologie d’un talent immense qui ne sera jamais gratifié à sa juste valeur. La faute à ce football qui n’a d’yeux que pour le buteur.

Andrés Iniesta en 2015 par Олег Дубина – Wikimedia Commons CC BY-SA 3.0

Mal tombé

Iniesta est le point d’attache entre la génération des trois « O » et la sienne. Un lien de « Winners » qui fait sans aucun doute de lui le meilleur joueur de l’histoire du Barça et de l’équipe nationale d’Espagne. On n’oublie pas Xavi… Cependant, près de lui l’ancien nouveau Guardiola disparaît malheureusement. Pour admirer le sociétaire d’Al Sadd SC il faut connaître le football : pour admirer Iniesta, il faut aimer le football. Ou pas… Le voir jouer demande même parfois moins qu’un passionné du ballon rond pour l’admirer. Il fait peu trembler les filets… Mais il marque les esprits. Ses réalisations sont inoubliables. 57 buts en 675 matchs au Barça, son total sur 16 ans équivaut à celui de Messi en une saison. Mais les deux sont-ils vraiment comparables ?

En 2015, Javier Martos ancien camarade d’Iniesta, Xavi et Messi à la Masia affirmait : « Pour moi, il est plus complet que Xavi. Ils gardent tous les deux bien la balle et jouent bien. Mais Iniesta peut déborder sur un côté, il marque facilement. (…) J’ai joué avec Messi et beaucoup d’autres, Iniesta est le meilleur joueur que j’ai vu de ma carrière. C’est un super joueur. Il était plus fort que Messi ? Oui, chez les jeunes. Messi est désormais arrivé à maturité, Iniesta était déjà un joueur mature dès son plus jeune âge. (…) C’était le plus fort techniquement, le premier à faire son travail, le premier à courir sur le terrain. Et cela donnait l’envie aux autres de faire pareil. » Une thèse corroborée la même année par Ivan Rakitic : «  Je crois qu’il ne surprend personne. Il est arrivé à un tel niveau que c’est quand il n’est pas à ce niveau qu’on est surpris. Andrès, c’est la magie du foot, on admire tout ce qu’il fait. » Et dire qu’on a failli le perdre…

Lors de la saison 2008/2009 Iniesta a connu une grosse dépression. Un dégout de la vie qui succède à un triplé historique avec le Barça et à la mort de son ami et ancien capitaine de l’Espanyol de Barcelone : Dani Jarque. Le mythique n°8 Alzugrana (Surnom des joueurs du Barça) a même songé au suicide : «  Oui, ce sont des situations vraiment extrêmes. Pas parce que je voulais le faire ou ai même eu l’idée de le faire, mais parce que l’on est plus soi-même. Je sais que lorsque l’on est très vulnérable, il est difficile de garder le contrôle et n’importe quoi peut alors se passer, en l’espace de quelques secondes, il y a certaines décisions que l’on prend car on ne se sent pas bien.  »

Heureusement, le pire n’arrivera pas. Iniesta dédiera son but en finale du Mondial 2010 à son ami décédé et poursuivra sa conquête du monde jusqu’en J-League. En 2018 il signe au Vissel Kobe pour « contribuer au développement du foot japonais ». Une destination nippone qui est tout sauf un hasard. Le futur Messi serait du pays du soleil levant : Takefusa Kubo. Affaire à suivre…

FC Barcelone par Christopher Johnson – Wikimedia Commons CC BY-SA 2.0

Football Total

A lui seul Andrés Iniesta incarne l’identité même du Barça. Il marque, passe, attaque, presse défend… : c’est le football total. Son absence crée derrière lui un vide irremplaçable. Une efficacité que Valverde et ses supérieurs peinent à retrouver. Un espace que seule sa présence peut occuper. L’héritage incommensurable, le style aussi déroutant qu’inspirant pour des jeunes virtuoses tels le Lyonnais Houssem Aouar. Son legs provoque certainement un effet boomerang favorable au futur du football et du Barça : «  Je ne dirais pas que je ne voudrais pas être entraîneur du Barça, mais ce n’est pas une chose à laquelle je pense actuellement. On verra au fil du temps, mais je veux revenir ici dans un rôle qui me conviendra. Je me sens chez moi et j’espère pouvoir transmettre ce que j’ai appris et ce que j’ai ressenti pour ce club.  »

Andres Iniesta par Clément Bucco-Lechat – Wikimedia Commons CC BY-SA 3.0

Applaudi par les supporters « ennemis » du Real, l’Espagne unie pour l’aduler, le joueur de 35 ans reviendrait de ce fait sur une cour oublieuse. Non pas celle qui a édifié cette statue en son honneur. Mais bien celle qui a ignoré son statut parmi les meilleurs joueurs de l’histoire du sport roi. Valeureux soldat à tous les sens du terme, il aurait pu déprimer comme Ribery à cause de ce manque criant de reconnaissance. Que non… Il est resté fidèle à ses principes devant la feinte. Une ingratitude matérialisée par ce « Balon de Oro »  qu’il a mérité au moins cinq fois dans sa vie. Sur les 22 succès cumulés par le Barça et le Real Madrid, un seul est réellement espagnol et ce n’est pas lui. C’est dommage ! « Le football, ce n’est pas que le but » suggère-t-il humblement. Encore faudrait-il qu’il soit entendu, l’incompris. Second meilleur passeur de Messi avec 33 caviars, il a porté le Ballon d’or pendant au moins 10 ans sans jamais le recevoir. Logique…


Le sport comme processus de paix

Accord parental, contenu explicite : l’étiquette est collée. La Punchline est parée pour donner du punch. Booba veut en découdre avec Kaaris. Le D.U.C (surnom de Booba) a choisi d’en finir avec ce clash qui a atteint son paroxysme à l’aéroport d’Orly le 1er Août dernier. Une rixe entre les deux clans qui aboutira quelques semaines après sur des peines judiciaires sans toutefois enterrer la hache de leur guerre.

Aussi, l’auteur de l’album « Trône » propose de placer un uppercut pour mettre cette haine K.O. Légalement, sportivement, il souhaite croiser son ennemi sur un ring. Une bagarre dans les règles de l’art : un combat de MMA qui n’aura pas lieu en France. La pratique du métier interdite dans l’Hexagone, l’octogone s’exportera ailleurs… ou non. Un bellicisme clivant : une proposition pas si mal que ça finalement. Les recettes de la rencontre devraient être reversées à une association et des dégâts collatéraux évités… Le sport est capable de sauver des vies, pourquoi ne pas en profiter ?

Sculpture Weapon par baptiste_heschung – Pixabay CC0

Sparring Partner

Il était une fois un temps. Un instant épique où un combat suffisait pour faire la guerre. Une époque barbaresque où dans le but d’éviter des milliers de morts, les armées en belligérance désignaient leurs meilleurs soldats pour se battre jusqu’à la mort. Le vainqueur de la joute donnait la victoire à son escouade et un massacre était empêché. On parle de sport : de la mort fictive d’un adversaire. Achille versus Hector, si Tupac et Notorious BIG avaient été inspirés par Elie Yaffa (vrai nom de Booba) les deux MC seraient probablement encore vivants.

La confrontation sportive ne garantit pas la vie mais réduit profusément les chances de voir l’innocence tomber à vie. United City, elle donne l’espoir d’un monde meilleur. Des gants à la place des gangs, la brutalité dans son élément. Non-violence, un symbole de paix incarné entre les guillemets suivants par un « Big Boss ». Eric Cantona : « La vie est toujours trop cruelle. Tout ce que nous pouvons faire, c’est essayer de passer le ballon et laisser le soleil briller. En espérant qu’il brille pour tout le monde. »

Muhammad Ali en 1967 par Ira Rosenberg – Wikipedia Domaine Public

Peut mieux faire

Le sport canalise la violence. Il fait d’elle un noble art. « Je ne fais la guerre qu’aux rappeurs, ne cautionne la mort d’aucun enfant » pour reprendre Attila (autre surnom de Booba). « Vole comme un papillon, pique comme l’abeille », Mohammed Ali a contribué à la liberté de la race noire en boxant comme Nelson Mandela. Madiba donnait des droites et des gauches pour entretenir la dignité de sa bataille politique. Un succès mondial que le leader sud-africain doit aussi à l’engagement non négligeable de la Confédération Africaine de Football. La première institution panafricaine est la première organisation à lancer la campagne anti-apartheid dans le sport.

Un esprit sain dans un corps sain. Un geste réconciliateur à l’instar de celui de Mourinho pour rassembler les enfants, les avenirs israéliens et palestiniens autour de la même table. Une généreuse œuvre sociale aussi magnanime que les Irlande du Nord et du Sud participant aux Jeux Olympiques pour la Grande-Bretagne aux côtés de l’Angleterre et de l’Ecosse. Ou celui du récent Mondial de handball germano-danois réunissant les deux Corées sous un même étendard.

Les 2 Corées Unifiées par OpenClipart-Vectors – Pixabay CC0

Et comment ne pas revenir sur le technicien lusophone en parlant de Didier Drogba : un de ses plus grands fidèles. En 2007, l’ivoirien a utilisé son Ballon d’or pour cimenter la paix derrière la guerre civile qui a déchiré son pays. Un déplacement trophée dans les bras à Bouaké (dans la zone rebelle) qui succédait à une grande demande. Celle qui parachevait une première qualification de sa sélection à un Mondial (2006). Par la voix de son capitaine, l’équipe nationale de Côte d’Ivoire implora un cessez-le-feu. « Déposez toutes les armes » suppliaient les Eléphants à genoux en Octobre 2005 après avoir battu le Soudan (1-3) à Khartoum.

Didier Drogba par Stefan Meisel – Flickr CC BY 2.0

En Asie pareillement l’altruisme continue de partir en dribbles. La Coupe d’Asie des Nations 2019 en modèle, la Confédération Asiatique de Football (AFC) prend de l’avance en faisant de la Palestine un pays et du Qatar un bienvenu aux Emirats Arabes Unis. Les Marrons (surnom des joueurs du Qatar) affronteront l’Arabie Saoudite sans possibilités d’issues conflictuelles. On passe près des débordements : on les ignore. On esquive les coulées de « laves », de sang donc de larmes. De la sueur on saigne pour soigner la peine…

El Clásico foosball par Gordon Anthony McGowan – Flickr CC BY-SA 2.0

El Clásico : un exemple

« Qui veut la paix, prépare la guerre ». La puissance définit l’intelligence. Aux dépens de l’existence ? Pas exactement. Les enfants ne jouent pas qu’à la guerre. La paix aussi joue un rôle de figurant dans l’éducation des « petits diables ». Les fusils et les revolvers ne sont pas les seuls jouets. Les vraies balles également peuvent sortir des pistolets à eau. Une partie est organisée et tout le monde explose de joie. La joie d’observer une guerre civile se muer en rendez-vous « amical ». Real Madrid – FC Barcelone ou la Maison Blanche échangeant son maillot avec l’Iran.

Le Clásico est un exemple de résolution des conflits par le sport. Les troupes se sont changées en équipes de football et la vie a repris son cours. « Il y’a eu des affrontements très durs, mais rarement violents » disait Nacho Aranda, Directeur de Real Madrid TV en 2001 dans le documentaire sur le Classico de la chaîne Toute L’histoire : Les Grands Duels du Sport. Durant cette projection il marche quasiment derrière Manuel Saucedo. Lequel décèle en ce choc « une réalité de l’Espagne incarnée par le sport ». Le rédacteur de Marca en 2001 ajoutera même : « Voilà ce qu’il y’a derrière. Un conflit sociologique entre le centralisme et le nationalisme catalan qui va grandissant. Il y’a une composante sociopolitique derrière tout cela, qui trouve son reflet dans l’affrontement sportif. »

Albert Camus par DietrichLiao – Flickr CC BY-SA 2.0

Clair de lune

Reflet, solution c’est du pareil au même. Les glandes sudoripares ont pris le pas sur les glands sanguinaires. Le conflit armé entre madrilènes et catalans est devenu un match de football et c’est le plus important. La clarté est faite sur la capacité de l’homme à bonifier sa colère. Il est bien adroit pour ce qui est d’éviter les problèmes sans humilier ses émotions et fatalement diminuer son prochain.

Gardien de but, le célèbre écrivain français Albert Camus a dit une fois : « Tout ce que je sais de plus sûr à propos de la moralité et des obligations des hommes, c’est au football que je le dois. » Une phrase, la preuve parmi tant d’autres que la paix peut gagner sur tapis vert. Tel Raymond Aron en 1982, il suffit d’y penser : « Ne boudons pas cette grande fête, non d’amitié, mais de compétition entre les nations par l’intermédiaire d’artistes fragiles. Une compétition soumise à des règles, contrôlées par des arbitres, n’est-ce pas, en dernière analyse, l’image de la seule réconciliation entre les peuples compatible avec la nature des collectivités et peut-être de l’homme lui-même. »

On ne fonde pas sa vie sur la mort. Inévitable, on se sert de la mort pour sauver la vie. Salvador vs Honduras en 1970, Uruguay vs Argentine en 1930, si le football est capable de déclencher les hostilités c’est qu’il peut les arrêter. Hymnes, drapeaux, couleurs, sport, le « So-Cœur » fait la guerre sans tuer.

Pictogramme (Football) par efes – Pixabay CC0

« Le Football, c’est la guerre poursuivie par d’autres moyens » peut dépasser le simple stade de titre d’un livre de Pierre Bourgeade. Le dirigeant nazi Mussolini n’est pas une lumière par exemple. Son assimilation néanmoins des footballeurs italiens à des « soldats de la cause nationale » a éclairé plus d’un. Sa mauvaise idée a indirectement soutenu l’Algérie contre son gré dans sa guerre indépendantiste via l’équipe du FLN. « Casques Bleus » interdits par la FIFA, ses joueurs furent des solides ministres de la volonté algérienne d’émancipation de 1958 à la naissance de leur nation en 1962. Un processus de paix, une utopie ? Possible ! L’intelligence humaine est assez tranchante pour résoudre un conflit en se récréant. Ça s’appelle la raison…


Mourinho vs Guardiola : vous les reconnaîtrez à leurs fruits

Dis-moi qui t’inspire, je te dirai qui tu es. Pour grandir, tout individu a besoin de modèle. D’une influence qu’il considère comme une issue à la réussite. Ainsi le tuteur sera jugé par les actes de ses apôtres. Aimé Jacquet a inspiré Didier Deschamps : il a été champion du monde. Johann Cruyff a inspiré Guardiola : il est double champion d’Europe. Manuel Sergio a inspiré Mourinho : il est double champion d’Europe. Qu’en est-il de Josep et José à leur tour ? Leurs succès respectifs ont démontré la force de leurs mentors. Peut-on en dire autant du catalan et du portugais ? Quelles sont leurs réelles valeurs ? La réponse posée sur un rocher…

Arsenal youth team coach Thierry Henry before the game against Olympiacos. par joshjdss – Wikimedia Commons CC BY-SA 2.0

« Guardiola est ma référence »

Thierry Henry : « Pep est pour moi la référence. J’ai réappris à jouer quand je suis arrivé à Barcelone sous ses ordres. Avec lui, vous pouvez parler de jeu. Il ne pourrait même pas s’arrêter pour dormir, il continuera pendant que vous vous endormirez. Vous connaissez ces choses qu’il a inventées dans le jeu, j’ai vu cela de près. » Le champion du monde 1998 vient de signer à l’AS Monaco. Nous sommes le 17 Octobre 2018 et Titi remplace Leonardo Jardim sur Le Rocher. Son objectif : sauver Monaco de la relégation. Le second du dernier exercice de Ligue 1 va très mal…

Le Gunner arrive donc en sauveur. L’ancien adjoint de Roberto Martinez en sélection belge a tout pour réussir dans la Principauté. Tout sauf la réussite elle-même : l’essentiel. 5 victoires, 11 défaites et 4 matchs nuls en 20 matchs : un bilan catastrophique. Une disette qui s’étend jusqu’en Ligue des Champions. Les Asémistes (surnom des joueurs de Monaco) y ont débuté par deux défaites, ils finiront derniers avec un match nul. Henry n’a glané qu’un point sur les douze qu’il pouvait récolter dans sa poule. Un désastre illustré par la lourde défaite des Monégasques à domicile face au FC Bruges 0-4.

Malgré les signatures de Fabregas, Naldo et Ballo Touré au sein d’un effectif déjà bien étoffé, Henry arrive à peine à « perdre ». Mêmes les équipes les plus faibles telles que l’AS Canet, Caen, Guingamp, Dijon ou Strasbourg – dans une moindre mesure – lui ont donné du fil à retordre. La défaite 1-5 à Louis II face aux strasbourgeois a été la goutte d’eau de trop dans le vase. Un récipient définitivement renversé par le FC Metz en Coupe de France. Le meilleur buteur français de l’histoire a été remercié juste après et remplacé par son prédécesseur.

Leonardo Jardim  – Wikipédia CC BY-SA 4.0

« Mourinho est notre modèle »

Leonardo Jardim : « J’aime les techniciens qui ont un modèle de jeu et une méthodologie propre. Au Portugal, Mourinho est notre modèle. Sinon, Ferguson est un top entraîneur.» Nous sommes le 13 Septembre 2017 au micro d’Olivier Brossard. Le portugais réagissait alors dans les colonnes de France Football. Aujourd’hui il est de retour dans cette équipe qu’il a incarné durant 4 ans. Parti en début de saison après un bilan affligeant de 8 défaites 3 matchs nuls et une victoire, il revient redorer le blason des belles traces qu’il a laissées dans l’histoire du club. Le technicien qui a révélé Kylian Mbappé et redressé Radamel Falcao fût champion de France en 2017, quart-de-finaliste et demi-finaliste de la Ligue des Champions en 2015 et 2017.

Tel qu’il le dit lui-même, les éliminations successives du PSG en huitièmes de finale de C1 « valorisent ce qu’ils ont fait ». Il s’est souvent pris des valises (4-1, 7-1 etc.) face à Paris mais ce n’était que 3 points de perdus. De 2014 à 2018, il a fait un travail énorme dans un groupe continuellement remanié. Un ouvrage qui a toujours maintenu son équipe sur le podium durant toutes ces saisons. Son retour sur le banc des Rouges et Blancs devrait être salvateur.

Avec les renforts du mercato hivernal, il est possible de voir l’ASM de l’ancien coach du Sporting Lisbonne se relancer. Après une autre défaite à Dijon en championnat et une élimination aux pénaltys en demi-finales de la Coupe de la Ligue à Guingamp, ce sera très difficile mais pas impossible. De 2-0 à 2-2 après avoir mené 2-0, l’évolution semble dans le bon sens. Surtout qu’elle renoue avec la victoire… 2-1 face à Toulouse. Une première cette saison en championnat à Louis II qui permet au club de la Principauté de souffler en passant barragiste.

Stade Louis-II à Monaco par Валерий Дед – Wikimedia Commons CC BY-SA 3.0

Jardim n’est pas le seul tacticien qui « remet » en question l’inspiration de Thierry Henry. Patrick Vieira obscurcit également sa perception du jeu. Son ancien coéquipier à Arsenal est arrivé quelques mois avant lui en Ligue 1 et il s’en sort plutôt bien. L’entraîneur de l’OGC Nice fait du bon boulot avec un effectif moyen. Une réussite peu anodine quand on sait qu’il n’a jamais vraiment quitté les terrains. Co-fondateur des projets Diambars et Génération Foot au Sénégal, il suit le parcours logique d’un footballeur retraité. Entraîneur des jeunes de Manchester City et de New-York City en MLS aux Etats-Unis, l’ancien poulain de José Mourinho à l’Inter n’a pas cessé d’aguerrir sa connaissance du jeu après avoir passé ses diplômes.

Patrick Vieira – F.C. Internazionale Milano. par Steindy (talk) – Wikipédia CC BY-SA 3.0

Milieu défensif de formation, le coach niçois a gardé les pieds sur terre pendant que Thierry Henry s’éloignait de son sujet en devenant consultant. Un poste grassement rémunéré qui a raccourci son passage chez les U16 d’Arsenal en 2015. Après l’obtention de son diplôme en 2016, il a même voulu cumuler son poste à Sky Sports à celui d’entraîneur des U18 chez les Canonniers (surnom des joueurs d’Arsenal). Une idée sans suites, le manager Arsène Wenger s’y opposant.

Vu de loin, le football est facile à comprendre. Sauf que le sport est une science empirique. Il faut le vivre pour mieux l’appréhender. Henry n’est pas un mauvais entraîneur. Il est juste la preuve que les journalistes sont très loin de la réalité lorsqu’ils parlent de football. Son échec est un message fort à ces footballeurs devenus consultants qui ont la gâchette facile lorsqu’il s’agit de descendre le travail des autres. Un spécialiste de la médecine est un médecin. Un spécialiste du journalisme est un journaliste. Un spécialiste du sport est un sportif.

André Villas Boas par Вячеслав Евдокимов – Wikipédia CC BY-SA 3.0

Fin des comptes

Thierry Henry et Jardim ne sont pas les seuls outils de comparaison entre Mourinho et Guardiola. D’autres entraîneurs participent à la confrontation. On a par exemple Feu Tito Villanova champion d’Espagne au FC Barcelone avec 100 points et 15 points d’avance sur le deuxième. Un digne fils de Pep, un record de taille qui néanmoins n’est rien comparé à celui de l’école Mourinho. Les succès parmi les élèves du portugais sont nombreux. Parmi eux on peut citer : son ancien adjoint André Villas Boas, auteur du triplé Championnat – Coupe – Ligue Europa avec le FC Porto en 2011 ; Roberto Di Matteo, premier vainqueur de la Ligue des Champions avec Chelsea en 2012 ; ou encore Zinédine Zidane, ses 3 Ligues des Champions et sa Liga.

Zinédine Zidane par Raphaël Labbé – Image Flickr CC BY-SA 2.0

Le français a plus appris de José Mourinho que de Carlo Ancelotti. Le natif de Setubal est clairement son influence. Il a passé trois années avec lui contre deux avec l’italien. Ses trois victoires successives en finale de Ligue des Champions sont la symétrie parfaite des trois demi-finales d’affilée de Mourinho par rapport à Ancelotti et Benitez. Une similarité mathématique qui s’observe encore mieux dans le management des derniers techniciens de la Maison Blanche à avoir été champions d’Espagne. Leurs gestions distinctes du vestiaire se rejoignent en tout point. La façon de ZZ d’administrer les stars par exemple est foncièrement identique à celle de JM. Pas d’cadeaux ! Seuls les meilleurs jouent… CR7 ou pas CR7.

Sur les cinq que Ronaldo a connus à Madrid, Mou et Zizou sont les seuls coaches à lui avoir nettement signifié qu’il pouvait aller sur le banc comme Gareth Bale ou Karim Benzema. Un remplacement qui pouvait arriver si le quintuple Ballon d’or n’était pas bon ou pour faire tourner l’effectif. Une rotation à la base même du succès historique de l’ancien capitaine des Bleus. Il préservait El Commandante (surnom de Cristiano Ronaldo) pour les grands rendez-vous : il n’a pas eu peur de lancer des « inconnus ». Enfin, les équipes de Zidane gagnaient à l’image de celles de Mourinho. C’est-à-dire avec du caractère…

Josep „Pep“ Guardiola, Bayern München par Thomas Rodenbücher – Wikipédia CC BY-SA 2.0

La vérité si je mens

De Pep Hleb a dit : « Il n’a jamais été le meilleur entraîneur du monde, il a simplement eu la chance d’être à la tête de la meilleure équipe, avec les meilleurs joueurs. » C’est surement son point de vue. Cependant l’ancien ailier d’Arsenal et du FC Barcelone est loin de faire fausse route. Sans même avoir été entraîneur adjoint, le Blaugrana (surnom des joueurs de Barcelone) a été nommé à la tête du Barça en 2008. Une fonction qui arrive deux ans seulement après l’obtention de son diplôme. De D4 Espagnole à la Liga, l’ancien milieu récupérateur a été projeté au haut niveau sans véritables raisons sportives. Une montée de champion en Segunda B avec le FC Barcelone B suffit-elle pour entraîner l’un des meilleurs clubs du monde ? Certainement non… Il faut bien plus.

Guardiola n’a jamais connu la difficulté. Pour lui, gagner est évident. Il a toujours entraîné des équipes déjà au top. Vainqueur de la Ligue des Champions en 2006, le Barça avait été relevé par Frank Rijkaard deux ans avant qu’il n’arrive. Le Bayern de Munich était la meilleure équipe d’Europe lorsqu’il a signé en Bavière en 2013. Les Roten (surnom des joueurs du Bayern) sortaient d’un triplé historique Championnat – Coupe – Ligue des Champions quand Juup Heynckes arrêtait sa carrière. Quant à Manchester City, il l’a pris à son maximum. La meilleure équipe en Angleterre depuis 2012 venait de jouer la première demi-finale de Ligue des Champions de son histoire en 2016.

David Silva at Euro 2012 final Spain-Italy par Илья Хохлов – Wikimedia Commons CC BY-SA 3.0

Oui il a été champion avec 100 points en 2018. Mais sa vision et son recrutement n’y sont pour rien. L’impact de Leroy Sané et autres Gabriel Jesus est aussi irrégulier que le 3-5-2 inefficace qu’il a mis en place à ses débuts en Premier League. Un simple 4-3-3 pour changer, dès qu’il est revenu aux fondamentaux il a enchaîné les succès. Grâce à l’ossature que ses devanciers ont laissée, il continue de triompher. Une charpente formée de : Kompany (Mancini), Fernandinho (Pellegrini), David Silva (Mancini), Kevin De Bruyne (Pellegrini) et Sergio Aguero (Mancini). Sans eux City est considérablement amoindri. Par conséquent pour que ses élèves et lui réussissent, il faut que leurs prédécesseurs aient laissé derrière eux une situation stable. Ce qui n’était pas le cas lorsque Thierry Henry est arrivé à l’ASM…

FC Porto par iamout – Pixabay CC0

Par contre, Mourinho et ses continuateurs sont capables de gagner partout. Il suffit que la formule du fils de José Manuel Mourinho Félix soit fidèlement employée. Le Special One jouit d’une philosophie qui reconstruit les équipes et leur donne une base solide. C’est ce qu’il a fait à Porto, à Chelsea, au Real Madrid, à l’Inter de Milan et à Manchester United. A chaque fois qu’il est arrivé dans un club, ce club a définitivement franchi un palier.

Toutefois cette capacité à facilement s’imposer mettra souvent ses affidés en conflit avec leurs dirigeants. On assistera alors soit à un excès d’estime à leur encontre, soit à un manque regrettable de respect. Quoique la dernière hypothèse reste la seule véridique dans ce cas. Du respect ils le méritent amplement puisqu’ils ont fait du bon travail. Ce n’est pas une faveur…

Avoir de l’estime pour un entraîneur c’est estimer sa parole. Vous ne lui montrez pas la porte lorsqu’il souhaite des renforts à la hauteur du challenge que vous lui imposez. Un enfant qui réussit sous la lumière d’une bougie a le droit de réclamer l’électricité pour s’améliorer. Il n’en fait pas trop. Elle n’en fait pas trop… La méthode Mourinho met souvent la barre tellement haute qu’on pense qu’elle n’a besoin de rien pour réussir : qu’on peut lui assigner n’importe qui et elle va fonctionner. Et pourtant ce sont des faiseurs de miracles : pas des magiciens. A chaque niveau ses joueurs. Le Christ a multiplié les pains, il ne les a pas fait apparaître.

José Mourinho par Жозе Моуринью – Wikimedia Commons CC BY-SA 2.0

« Qu’il te soit fait selon ta foi »

Un miracle requiert le concours loyal du demandeur pour s’opérer. On ne remplace pas Moutinho et Fabinho par Aholou et Pelé. Il y va de l’équilibre du jeu. A force de jouer avec le feu, on finit par se brûler. Si en début de saison on avait donné à Jardim la qualité des joueurs qu’Henry a demandés et reçus, il ne serait certainement pas parti. En outre, Mourinho a commencé au bas de l’échelle avant de se retrouver au sommet. Avant d’être l’entraîneur des plus grands clubs au monde, il a été professeur de sport dans son pays. Sa méthode est donc applicable à tous les échelons du Ballon Rond. Elle garantit une place dans le temps à son utilisateur quand celle de Pep demande beaucoup de moyens pour exister. Souvent pour rien car pour avoir de l’impact, le football marche au respect, au collectif, à la force de caractère, à l’égalité des chances et au talent. Le Barça a attendu 4 ans pour regagner une Ligue des Champions après Joseph. Le Real Madrid a gagné 4 Ligues des Champions après José. Guardiola gagne grâce à ses prédécesseurs, Mourinho sublime ses successeurs…


Emiliano Sala : une assomption

Le 19 janvier, le FC Nantes officialisait le transfert de son buteur Emiliano Sala pour Cardiff City en Premier League. 15 Millions de Livres Sterling, une somme record, un départ sur le papier. Le footballeur le plus cher de l’histoire du club gallois n’a pas pu se rendre à destination. Le Piper Malibu qui l’emmenait au Royaume-Uni a disparu des radars au-dessus de la Manche.

Coupe de la Ligue – Sala Emiliano par Clément Bucco-Lechat – Wikimedia Commons CC-BY-SA (Creative Commons Attribution-Share Alike 3.0 Unported)

Le jour où je suis parti

Une nouvelle triste, une attente insupportable et la possibilité de revoir Sala vivant tombe peu à peu à l’eau. Malgré l’intensification des recherches, l’équipe de la Channel Airline Airsearch ne parvient pas à le trouver lui, le pilote et l’autre passager à bord. À l’écoute d’un père « désespéré », John Fitzgerald (chef de l’équipe de recherche) déclarait : « Je ne pense pas qu’il y ait la moindre chance qu’ils soient encore vivants à l’heure actuelle. » John Fitzgerald ou le début d’un acronyme – JFK – qui nous rappelle une autre fin dramatique. Une tragédie, voire deux, dont l’une survenue à la suite d’un crash d’avion…

Un rapprochement affligeant auquel son entraîneur Vahid Halilhodzic participe avec amertume : « La période était déjà très délicate. Mais là, c’est très difficile. On est dans l’attente mais on ne se fait pas beaucoup d’illusions. On s’attend au pire. » Le pessimisme s’installe mais nul n’ose prononcer le mot fatal. L’espoir demeure dans les esprits y compris après ces messages audios bouleversants que le joueur a envoyé à ses proches.

Par RonnyK – Image Pixabay CCO

Le premier disait : « Je suis à bord maintenant et on dirait que l’avion va tomber en morceaux. Je suis en route pour Cardiff, c’est fou, et demain on commence, je m’entraîne avec ma nouvelle équipe. » Et le second : « Salut les gars, vous allez tous bien ? Si vous n’avez plus de nouvelles de moi dans une heure et demie, je ne sais pas s’ils ont besoin d’envoyer quelqu’un me chercher, parce qu’on ne va pas me retrouver. Papa, qu’est-ce que j’ai peur ! » Trop douloureux, « mort » n’est simplement pas le mot de la situation. On garde espoir, aussi petit soit-il. On préfère parler de disparition parce qu’on est convaincu qu’il est là quelque part. « Gentil garçon », l’homme qu’il était « ne peut pas » mourir…

Sala n’est pas mort : il nous manque déjà. « C’est un attaquant comme on en voit très peu aujourd’hui » pour citer « Coach Vahid ». Coéquipier fantastique, joueur modèle, sa fidélité, sa générosité et sa combativité sont des caractères qui se raréfient dans le « sport roi ». Dans ce football moderne égoïste où tout le monde veut être la seule star, il était exceptionnel. Une exception qui confirme la règle. Mortel, qu’il passe à la télé ou dans la rue il reste en-dessous des Cieux. On part, seule notre image reste, meurt ou s’élève.

BHA v FC Nantes pre season par James Boyes – Wikimedia Commons ( Creative Commons Attribution 2.0 Generic)

Un mal pour des biens

« Il est nécessaire que le mal arrive. Mais malheur à celui par qui le mal arrive. » Une citation du Christ que Waldemar Kita comprend certainement mieux depuis qu’il a vendu l’attaquant argentin. Pour concrétiser sa transaction, le président nantais a dû se dire : c’est le moment ou jamais. « Sala est au pic de sa carrière : il faut faire vite. » Pour un joueur comme lui une occasion pareille est une aubaine. Il aurait pu attendre la fin de la saison : une issue pleine de buts. Il aurait pu gagner plus d’argent : son vin bonifié. Mais non ! Impatient, l’homme d’affaires franco-polonais a tremblé devant quelques « pièces d’or » et la suite on la connaît…

Sala ne voulait pas partir. Vahid désirait que son meilleur élément reste. L’ancien sélectionneur de l’Algérie l’a dit : « Si ça avait été un autre club, je serais parti, c’est clair, net et sincère. » Il est resté parce qu’il aime ce maillot jaune qu’il a porté avec brio. L’ancien coach du PSG veut aider le club à progresser : ce que l’argent gagné par cette malheureuse signature ne fera pas. Mais jusqu’à quand pourra-t-il jouer le pompier de service ? Si demain Nantes venait à engendrer de mauvais résultats, le bosnien serait probablement désigné comme responsable et viré. Et pourtant cette décision qui a déstabilisé son groupe n’est pas de son ressort.

Cet événement tragique va inévitablement influer sur le mental de l’équipe nantaise. Il est fort probable que ses résultats soient moins bons que d’habitude. Son effectif a perdu un proche, un ami, un frère et Waldemar Kita des partisans. Les tribunes de La Beaujoire risquent de gronder après avoir pleuré. Le guerrier Sala était plus qu’apprécié dans les gradins et le dirigeant des Canaris a aggravé sa situation. Il n’était pas déjà très estimé par les supporters mais là… il pourrait carrément démissionner. Bien qu’il n’y soit pour rien dans le drame, il est entré dans l’histoire comme celui qui a envoyé le natif de Cululù en « Angleterre » contre l’avis de tout le monde : contre l’avis du football. Il va devoir porter ce geste sur sa conscience…

Le stade de la Beaujoire « Louis Fonteneau » à Nantes, lors de la coupe du Monde football de 1998. Reproduction autorisée par la Mairie de Nantes pour Wikipedia par The original uploader was Pirmil at French Wikipedia.- Wimedia Commons (Creative Commons Attribution-Share Alike 3.0 Unported)

Une minute de silence

Waldemar Kita a surement été indirectement victime de la mode médiatique. Une idée en vogue qui divise le monde en beaux et en laids sans véritables arguments. On parle ainsi de beaux joueurs, de beau jeu… « Mais qu’est-ce que le beau jeu ? », demanda Claudio Ranieri (champion d’Angleterre avec Leicester) à un journaliste. Motus et bouche cousue. Pourquoi ? Parce que c’est une question insensée pour une réponse totalement subjective. Le football n’est pas un défilé de mode : c’est un sport. Le but n’est pas d’aller d’un bout à l’autre mais de marquer plus de buts que l’autre. Sur une pelouse tout ce qui est accepté par l’arbitre est beau.

Sala disait : « J’ai l’impression de ne pas être jugé à ma juste valeur. Je ne sais pas expliquer pourquoi, mais j’ai l’impression que je dois prouver encore et toujours. » Une vérité si juste qu’elle donne des frissons. Malgré sa disparition certains, à l’image d’Alexandre Pedro, trouvent encore le moyen de tailler son œuvre. L’auteur de l’article « Emiliano Sala, un buteur acharné » qualifie le labeur du sud-américain de « tout en sueur, abnégation et hargne ». Il assimile son football à une « technique brute de décoffrage » à « l’allure dégingandée ». Des honneurs auxquels il n’omet pas d’ajouter : « Depuis ses débuts dans son village de Progreso (province de Santa Fe), Emiliano Sala a toujours joué et vécu par le but. Du genou, de l’oreille ou en taclant, l’Argentin sacrifie l’esthétique à l’efficacité. Mais dans un football moderne où le moule de l’avant-centre buteur exclusif s’est cassé, son profil intéresse peu. »

Dans sa direction, le rédacteur du Monde est suivi par un tweet mitigé de l’Agence France Presse. Avant de saluer l’efficacité du Goleador, l’AFP trouve quand même le moyen de diminuer son tribut en écrivant : « Pas le plus rapide, pas le plus élégant ». Une attitude soutenue par Thomas Pitrelde So Foot dans son article « Sala, La Ultima Ciao » : « Après avoir lutté pour sortir de son centre de formation de Proyecto Crecer, Emiliano Sala a lutté pour sortir de l’équipe réserve de Bordeaux, puis du National avec Orléans, puis de la L2 avec Niort. Ensuite, il a encore lutté pour faire comprendre à tout le monde qu’il était un grand attaquant, freiné malgré ses bonnes statistiques par son style pas très à la mode (…) » Est-ce vraiment nécessaire d’ajouter ça ? Est-ce réellement vrai que son style n’est plus à la mode ? Edinson Cavani qui jouit des mêmes caractéristiques que lui reste titulaire à Paris et convoité par les plus grands clubs européens… Et si c’était un proche à la place de l’Albiceleste ? Une famille pleure, des collaborateurs sont meurtris. Une minute de silence aurait suffit…

Smiley par Alexas_Fotos – Image Pixabay CC0

Be Cool Be Nice

La mort donne souvent au défunt les égards qu’il n’a pas reçus de son vivant. La tristesse générée par son absence devrait être une occasion de solidarité pour ceux qui le regrettent. Une conception supposée mieux appréhendée par les médias, leur rôle étant de fédérer. C’est accablant de savoir que certains n’arrivent toujours pas à se faire violence dans ce sens, même le temps d’un hommage. Les « pierres » qu’on jette au milieu des fleurs qui se posent pour saluer la mémoire d’un être cher ne servent à rien. Trouver des défauts à un homme bien, qui peut-être n’est plus, un avant-centre qui a inscrit 94 buts en 234 matchs au cours de sa carrière, c’est entretenir l’injustice. Ceci étant, peu importe l’issue de cet accident, Emiliano Sala restera un footballeur extraordinaire et une personne inoubliable.


Tottenham – Manchester United : Paris n’a rien à craindre

Ce dimanche, Manchester et son nouvel entraîneur Ole Gunnar Solskjaer sont allés battre Tottenham à Wembley. Un choc au sommet, le premier de son ère, une victoire 0-1 qui permet à United de vivre un sixième « bonheur » consécutif. Ses hommes et lui comptent désormais le même nombre de points que le cinquième Arsenal. José Mourinho viré, les Red Devils semblent délivrés…

Winners par Sean Murray – Image Flickr CC BY-SA 2.0

Seule la victoire est belle

Une passe de Pogba et Marcus Rashford qui marque. Manchester ouvre le score, s’impose chez le troisième de Premier League et se venge du cinglant 0-3 de l’aller. Un gros succès face à un gros de l’élite qui donne une idée du soutien que peut avoir Ole Gunnar à Manchester et dans la plupart des médias. Dans une rencontre où il a fait preuve d’une flagrante misère tactique, il est peint en sauveur. José victorieux de ce match de cette façon, les éloges auraient certainement été remplacés par des tacles violents bien appuyés.

On encense les six victoires de rang de l’ancien buteur et pourtant lorsque le Docteur Honoris Causa de l’Université Technique de Lisbonne avait enchaîné 25 matchs consécutifs sans perdre à sa première saison, on trouvait à redire. D’aucuns ont même parlé de Top 5 pour l’exclure du faîte avant de revenir au Top 6 dans la foulée de son éviction. L’objectif étant de réduire au maximum son travail au néant.

Old Trafford par pottonvets – Image Pixabay CC0

Ainsi le débat est repensé, le beau jeu mis de côté et la victoire dans le sport redevient l’essentiel. Sa place retrouve son statut d’idéal afin d’inhiber le pauvre contenu mancunien à ce grand rendez-vous londonien : une prestation inqualifiable de nullité. Mourinho choisit de défendre, Solskjaer a été forcé de défendre. Avec 62 % de possession de balle, Tottenham a dominé tout le match dans tous les compartiments du jeu, y compris celui des erreurs. Le but des Reds n’intervient pas sur une action promptement menée mais sur une grossière étourderie de Trippier.

Une passe ratée de l’arrière droit dans l’axe qui a donné la possibilité à une occasion sans réel danger de briller de mille feux. Long ballon de Pogba, la défense surprise n’arrive pas à vite se replacer, la lente frappe de Rashford est parfaitement croisée et Hugo Lloris particulièrement peu réactif. Le goalkeeper français se rattrapera en seconde mi-temps sur une tête et deux tirs du n°6 passeur décisif : ce sera trop tard… Le n°1 était déjà en face.

David De Gea par Saul Tevelez – Image Flickr CC BY 2.0

David contre Goliath

Durant l’ère Mourinho, David De Gea était considéré comme le meilleur joueur par les nombreux détracteurs du portugais. Il était question de faire passer par tous les moyens sa pensée pour un jeu sans inspiration. Que dire du match de dimanche ? Le « Théâtre des Rêves » et Ferguson sont bien de retour : qu’est-ce qui n’a pas marché ? On attendait ce jeu outrageusement offensif et au final on n’a vu qu’un défenseur « figé » sur la ligne de son but.

Le portier espagnol est sans aucune contestation l’homme de ce match. 11 arrêts décisifs comme un symbole : l’écu d’une équipe aux abois. Sans lui, Manchester aurait clairement perdu. S’il fallait choisir une de ces parades pour résumer la rencontre, le face-à-face de Dele Alli ferait l’affaire. Une occasion nette de but partie d’une balle perdue de Pogba à l’entrée de la surface adverse et mal négociée par le milieu offensif d’origine nigériane. Bien lancé en profondeur, l’international anglais n’a pas pu franchir le dernier rempart « Rouge » et conclure cette contre-attaque éclair. En gros les Spurs ont marqué des buts mais De Gea les enlevés.

Drapeau Tottenham par RonnyK – Image Pixabay

Oser c’est faire

Lorsqu’on voit la difficulté que Mauricio Pochettino a pour remporter un titre, on mesure mieux la force de José Mourinho. La dernière fois que Tottenham a été champion d’Angleterre c’était en 1961. Une longue attente atténuée en 2008 par une victoire en Coupe de la Ligue. Un succès (voire deux avec la Cup) toujours possible cette année qui toutefois n’empêche pas le mot « looser » de marquer à la culotte la renommée du premier vainqueur britannique d’une Coupe d’Europe. C’était la Coupe des Coupes en 1963.

Harry Kane lifting the World Cup par Matt Brown – Image Flickr CC BY 2.0

Au sein de l’effectif de l’argentin on trouve quand même encore de très bons éléments après Gary Lineker, Chris Waddle, Paul Gascoigne, Teddy Sheringham, Jürgen Klinsmann, David Ginola, Sol Campbell, Dimitar Berbatov, Jermaine Defoe, William Gallas, Luka Modric, Gareth Bale et autres Raphael Van der Vaart. Des internationaux pour la plupart titulaires indiscutables dans leurs sélections : Harry Kane, capitaine anglais et meilleur buteur de la dernière Coupe du Monde, Hugo Lloris, capitaine des champions du monde en titre, Christian Ericksen, Heung Min Son, Dele Alli, Eric Dier, Kieran Trippier, Jan Vertonghen, Toby Alderweireld, Moussa Dembélé, Moussa Sissoko, Davinson Sanchez etc. Une grosse qualité que le technicien Albiceleste (surnom des joueurs argentins) peine à changer en trophées. Même l’alibi du « faible » budget lui a tourné le dos : Leicester a été champion en 2016. C’est triste à dire mais Manchester a battu des « perdants ».

Tottenham Hotspur defender Jan Vertonghen par Ben Sutherland – Image Flickr CC BY 2.0

Diversions

Quoiqu’on dise, cette « dispute » dominicale a démontré que la seule assurance de progression à Manchester était la présence de Mou sur leur banc. Cette victoire à l’extérieur le dédouane et tourne définitivement la page de son passage. Chacun fait dès lors face à ses responsabilités. Solskjaer a toutes les cartes en mains et Pogba ne pourra plus se cacher derrière « O Vencedor » (« Le vainqueur » en français, surnom de Mourinho) pour justifier ses mauvaises performances. Son joker grillé, lorsque les défaites arriveront personne ne pourra plus accuser le prédécesseur de son actuel manager. La rumeur qui voulait qu’il laisse des dégâts derrière lui vient une nouvelle fois de mentir.

La défaite des Lilywhites (surnom des joueurs de Tottenham) tient à cet esprit de « Serial Winner » que le lusitanien a légué aux coéquipiers de Nemanja Matic. La fameuse formule offensive du Super Sub du Fergie Time n’a eu aucun effet sur ce major de Premier League. La preuve : il a fait entrer Diogo Dalot, Scott McTominay (à la place de Pogba) pour défendre et Lukaku pour utiliser sa puissance dans les duels aériens et la conservation de la balle. Le poulain de Sir Alex n’a pas « attaquer, attaquer, attaquer » pour tuer le match. Il a cherché à garder le score et il a gagné…

Edinson Cavani, Paris Saint-Germain (and Uruguay) striker par Ben Sutherland – Image Flickr CC BY 2.0

La porte est ouverte

Si le Drillo (surnom des joueurs norvégiens) est venu pour manger de petits poissons pourquoi Mou a-t-il été viré ? Défensivement le norvégien est loin d’être un stratège. Ça risque de chauffer face au reste au Big Six. De Gea ne suffira pas face à City, Liverpool, Chelsea ou Arsenal. Il faudra de l’aide à sa baraka. Sous les ordres du Special One, l’ancien de l’Atletico Madrid n’était pas seul. L’année passée ils ont battu ensemble Tottenham en FA Cup (1-2), Chelsea (2-1) et Manchester City en championnat (2-3) et la Juventus en Ligue des Champions (1-2) après avoir été menés 1-0, 0-1, 2-0 et 1-0. Ils ne faisaient donc pas que défendre. Il y’avait du caractère dans cette équipe. C’est pour cela qu’elle a battu tous ses adversaires du Top 6.

Man Utd V Arsenal par Gordon Flood – Image Flickr CC BY 2.0

Les Diables Rouges gagnent sans montrer de réels signes de changement. Les problèmes défensifs que le natif de Setúbal a voulu combler en recrutant en début de saison sont restés visibles. Discernables comme la nonchalance de La Pioche (surnom de Pogba) et les limites physiques de cet effectif malgré les réussites. Le portugais a eu à souligner ces tares mais vu que son jugement n’a pas d’importance, le PSG a toutes ses chances. Les parisiens devraient être capables d’exploiter ces vides en C1 et de rejoindre les quarts de finale. Avec Cavani, Neymar, Mbappé et Di Maria, Man U est prenable. Mourinho, la bête noire des clubs français, est parti avec leur imprévisibilité. Sous sa férule on ne savait pas à quoi s’attendre avec eux, maintenant on sait qu’une bonne préparation suffit pour leur causer de sérieux soucis. L’équipe de Tottenham a fait mieux que perdre : elle a ressorti toutes les lacunes de Manchester United…


CAN : 24 c’est trop ?

Laissée orpheline depuis son retrait des « mains » du Cameroun, la CAN 2019 s’est trouvé un nouveau tuteur. Il s’agit de l’Égypte. Aux pieds des pyramides se jouera donc l’aînée des Coupes d’Afrique des Nations à 24 équipes. La première des sélections africaines, un choix historique. Une révolution qui cependant n’élude pas le doute épais quant à la portée de ce format pour le football africain. L’Afrique a-t-elle vraiment besoin de passer à 24 pour grandir ?

Sculpture par Meelimello – Image Pixabay CC0

Les chaînes de l’histoire

La collision historique entre l’Afrique et l’Europe a forcé les africains à réécrire leur histoire. Les ballons trouvés dans les tombeaux des pharaons égyptiens ont été depuis doublés par la colonisation, après l’esclavage. Un repère nouveau a été dessiné et le continent noir est reparti à zéro quand l’Europe, elle, était bien avancée. Bien que la culture occidentale ait été génialement assimilée, les Africains sont restés derrière dans tous les domaines, dont le football. Le Vieux continent a plus d’un siècle de ballon rond. Les suivre sera quasiment impossible. Ce n’est pas en passant de 16 à 24 qu’on atteindra leur niveau footballistique. C’est aller trop vite en besogne que de faire ce choix d’évoluer. L’Afrique doit prendre son temps pour construire son histoire balle au pied.

Allianz-Arena in weiß par Sönke Biehl – Image Flickr CC BY-SA 2.0

Un but économique

L’impact de l’Histoire se vérifie également dans l’aspect infrastructurel. L’évolution du professionnalisme en Europe est indubitablement liée à la Révolution industrielle du 19e siècle. Une mutation qui part notamment de l’Angleterre pour s’étendre au monde. La construction d’infrastructures sportives est donc une trivialité depuis les années 1800, époque où les noirs sortaient progressivement de l’esclavage pour entrer dans la colonisation.

Si le sport arrive souvent à la fin de la progression d’un pays pour couronner son essor attesté, il est aussi et surtout une entreprise d’entretien. Le but est économique. On crée de l’emploi pour distraire ceux qui ont fini de travailler. Le jeu comme métier perd sa viabilité dans les sociétés où le travail est encore un projet. Une infrastructure est la manifestation d’une idée. Elle ne devient utile que lorsque son édification permet l’évolution de la société où elle est érigée. Un stade doit être construit pour remplir les caisses de l’Etat et réduire le chômage. Est-ce le cas en Afrique ? Pas vraiment, étant donné que le football ne nourrit pas encore son homme ; autochtone ici. Sa pratique y reste dans la plupart des cas amateur.

Ben Sutherland – Image Flickr CC BY 2.0

Entracte

L’intervalle de temps entre les Coupes d’Afrique constitue pareillement un problème pour l’organisation de ces CAN à 24. Toutes les compétitions à 24 équipes ou plus sont organisées tous les 4 ans. Même chez les plus nantis, on donne au moins 8 ans pour se préparer. 2 ans c’est très court ! L’Afrique ne peut pas se permettre un tel luxe.

L’organisation d’une CAN tous les 4 ans redonne de la valeur au tournoi. Plus attendu, il devient plus attractif. De plus, il résout le problème du représentant africain à la Coupe des Confédérations. Le Cameroun par exemple (champion d’Afrique 2017) a pris la place de la Côte d’Ivoire (champion d’Afrique 2015) en Russie en 2018. Les Lions auraient dû battre les Éléphants pour aller à Moscou. Avant chaque Coupe des Confédérations, une sorte de Super Coupe d’Afrique des Nations devrait être organisée entre les deux derniers vainqueurs de la CAN. Ce choc au sommet désignera un représentant africain légitime à ladite compétition.

African Players par PhotographerPN – Image Pixabay CC0

Pragmatisme

La CAN en tant que tournoi biennal est une réalité résolument obsolète pour l’Afrique. Sauf évidemment si les exigences d’organisation sont réduites à la baisse. Et même… 8, 12 ou 24 équipes, toutes les compétitions continentales sont espacées de façon quadriennale pour donner un côté « éclipse » à leur rayonnement. Aussi peu importe le laps de temps, l’organisation de la CAN exige de l’efficacité. Cette dernière doit prendre le pas sur l’opulence inutile.

Le football est un facteur de développement. Pour permettre la croissance des sociétés africaines, l’organisation de la CAN a la responsabilité d’être rotative. La paix suffit en tant que seule condition sine qua non. Tous les pays africains doivent se frotter à la discipline d’un tel événement. Une fête que chacun organisera en fonction de sa situation économique. La qualité d’une infrastructure se trouve dans son efficacité pas dans sa grandeur. La CAF a l’obligation de tirer le meilleur de chaque société africaine grâce au football. La Coupe d’Afrique a la capacité de démystifier l’organisation du sport roi en particulier et le développement de l’Afrique en général.

Mubarak Wakaso tosses in a free kick against the Guinea defence par Ben Sutherland – Image Flickr CC BY 2.0

La valeur des infrastructures d’un pays devrait être fonction de son niveau de développement. Ça ne sert à rien d’avoir une enceinte cinq étoiles dans une société une étoile. Une arène une étoile professionnellement achevée suffira. Etre pauvre c’est aussi refuser d’accepter ses conditions de vie. Le football africain ne se porte pas bien ! Rien ne sert de jouer les fiers. La CAF se comporte comme si tout allait pour le mieux. La Coupe d’Asie des Nations est passé à 24 tel l’Euro : l’AFC en a les moyens, l’Afrique non. La Confédération Africaine a les mêmes problèmes que la CONCACAF. Si la Gold Cup passe à 24, seuls les Etats-Unis, le Canada et le Mexique seront capables de l’organiser. Ils sont peu ces africains qui peuvent tenir une CAN à 24 avec le cahier de charge actuel de la CAF. Il faut une refonte totale du football africain pour cette CAN…

Soccer par Odwarific – Image Pixabay CC0

Retour à l’essentiel

La particularité du sommet d’une montagne est sa surface réduite. Sa contenance se résume ainsi à une poignée de personnes, d’où sa valeur unique au-dessus de la base. 24 équipes sur 55 possibles est un ratio qui n’honore pas la Coupe d’Afrique des Nations. Pratiquement un sur deux, autant organiser des matchs aller-retour où les vainqueurs seront directement qualifiés. Ce sommet du football africain a besoin des meilleurs pour entretenir sa valeur et 16 participants, c’est parfait. Faire plaisir aux petites équipes ne rend service à personne. Ni à la compétitivité ni à elles-mêmes ! La Lettonie a plus de mérite d’avoir joué un Championnat d’Europe à 16 que Madagascar qualifié pour une CAN à 24. Même si ça reste un faux débat. 16 ou 24, c’est le terrain qui décide. Si les Pays-Bas ne se sont pas qualifiés pour l’Euro 2016, c’est qu’ils n’avaient pas le niveau de l’Islande à ce moment. Vivement la CAN 2019 !


Le Suriname : un Brésil qui s’ignore

Jouer pour un pays européen n’est pas une question uniquement liée aux footballeurs d’origines africaines. D’autres terres sont également exposées au dilemme de la double nationalité. Parmi elles, l’Amérique du sud et sa Guyane néerlandaise. C’est sûr que lorsque la dispute oppose un très grand et un très petit, le choix et le débat qu’il suscite deviennent inutiles. Toutefois peut-on réellement parler de petite équipe lorsqu’on voit la quantité de talents produits par le Suriname pour les Pays-Bas ?

WK voetbal 2018 in Nederland ? par FaceMePLS – Image Flickr CC-BY 2.0

Une situation géographique contestée

Géographiquement, le Suriname est un pays sud-américain. Voisin limitrophe du Brésil, ce peuple métissé aurait dû appartenir à la CONMEBOL. Mais la FIFA en a décidé autrement. Les Suriboys (surnom des joueurs de la sélection du Suriname) ont été déracinés et envoyés dans la zone CONCACAF. Un choix curieux, une décision qui a certainement joué en faveur d’une fuite prononcée de talents pour l’Europe et notamment les Pays-Bas.

Affronter le Brésil, l’Argentine, l’Uruguay etc. aurait été un argument de poids pour retenir Edgar Davids, Clarence Seedorf, Patrick Kluivert, Jimmy Floyd Hasselbaink, Aron Winter, Winston Bogarde, Michael Reiziger, Mario Melchiot, Ryan Babel, Nigel de Jong, Urby Emanuelson, Royston Drenthe, Georginio Wijnaldum et bien d’autres. Derrière ces derbys face à ces immenses noms du football se cachent la certitude d’évoluer au très haut niveau. Et vu le génie de ces surinamiens qui ont choisi les Oranje (surnom des joueurs de la sélection néerlandaise), une très grande sélection sud-américaine et mondiale serait née. Mais…

Clarence Seedorf par Jan Solo – Image Flickr CC BY-SA 2.0

Une option naturelle

Le Suriname est devenu indépendant le 25 Novembre 1975. Ainsi, tous les surinamais qui sont nés avant cette date étaient quasiment forcés de jouer pour la Hollande. À l’époque c’était possible de faire marche arrière mais la génération Ruud Gullit et Frank Rijkaard n’a pas suivi les traces du précurseur Humprey Mijnales. L’ancien joueur du FC Utrecht est le seul surinamien à avoir joué pour les Pays-Bas et le Suriname.

Les héritiers de Roméo Zondervan sont restés campés sur leur position. Les Pays-Bas ont remporté l’Euro 1988 (leur premier et unique trophée) grâce à eux et la terre de leurs ancêtres est restée « inconnue » du grand public. La souche qui leur succèdera ne fera donc que suivre leur exemple de « pionniers ». Un caractère héréditaire devenu au fil du temps une réalité sans tabous mais pas sans problèmes.


Kylian Mbappé : l’homme de l’année 2018

Le 2 décembre 2015, Kylian Mbappé remplaçait Fábio Coentrão en fin de match et effectuait ses débuts en Ligue 1. Un choix offensif, un changement inoffensif qui devait conforter l’AS Monaco dans sa contre-performance à domicile face à Caen. 1-1, un match nul qui ne dessinait guère le statut de superstar prédestiné au futur champion d’Europe des U19. En ce titi de 16 ans et demi se lisait une belle promesse Asémiste : sans plus… Sans que personne ne se doute de l’ascension fulgurante que l’adolescent connaîtra en moins de trois ans. À juste 20 ans désormais, le dernier buteur Parisien de 2018 est plus que rentré dans l’histoire du football. En un mois, il est devenu la figure de proue d’une année historique…

Mbappe (un fan) at The Met par Pom’ – Image CC BY-SA 2.0

El Pibe de Oro

Kylian Mbappé n’a pas que la couleur de sa peau comme point commun avec l’or. Le 6 janvier 2017 lors d’une interview publiée sur le site leparisien.fr, le gamin déclarait avec toute l’éloquence qu’on lui sait : « C’est très flatteur d’être comparé à un joueur qui a marqué l’histoire. J’ai commencé à écrire mon histoire et je veux que ça reste la mienne et non la copie conforme de Thierry Henry. » De l’arrogance pour certains : une assurance de champion…

Champion de France cette année et demi-finaliste de la Ligue des Champions, le Golden Boy signe au PSG pour 180 Millions d’Euros. Il rejoint Neymar et se confond à l’ombre de l’Auriverde à 220 Millions d’Euros. 27 buts toutes compétitions confondues en 2017 contre 21 en 2018, sa progression marque le pas. Une reculade qui ne l’empêche cependant pas de devenir un élément essentiel pour Didier Deschamps. Le n°10 français n’a que 19 ans et un immense avenir l’attend…

Pelé par Waldryano – Image Pixabay CC0

Good Pelé

« Passements de jambes, crochets à gauche, à droite », c’est en Coupe du Monde que la carrière de Mbappé prendra un tournant décisif. Depuis Pelé en 1958, aucun jeune footballeur n’avait autant marqué cette compétition. La France a été championne du monde, lui mémorable. Auteur de 4 buts, dont ce beau doublé face à l’Argentine en huitièmes, le dernier buteur des Bleus en Russie fût l’attraction de ce Mondial. Bien que son attitude hautaine vis-à-vis de ses origines camerounaises soit peu louable, son choix en faveur de la sélection française reste le bon.

En couverture du Time Magazine le 11 octobre passé, KM est à sa place où il est. « L’As de Bondy » n’est peut-être pas aussi talentueux que Samuel Eto’o ou Neymar mais il est le seul « avenir » en qui « O Rei » (Surnom de Pelé) se reconnaît réellement : « (…) Si Kylian continue d’égaler mes records comme ça, je vais devoir dépoussiérer mes vieux crampons. » En outre, le premier Trophée Kopa de France Football est le « Ballon d’or » des « nouveaux Pelé ». Bonne et Heureuse Année 2019…

Champion du monde ! Par Pom’ – Image Flickr CC BY-SA 2.0


Racisme : Kalidou mon frère, bouche tes oreilles et reste fier

Un footballeur noir a récemment encore été victime d’insultes racistes. Il s’agit de Kalidou Koulibaly. Parmi les meilleurs défenseurs du monde, le Sénégalais n’a pas pu supporter cette attitude de supporteurs insupportables. Le football européen vit ainsi le deuxième acte de ce type en l’espace d’un mois. Le premier était survenu le 8 décembre dernier à Chelsea et le joueur visé était le cityzen Raheem Sterling. Comme à l’accoutumée il y’a eu une vague d’indignations sans véritables changements. Kalidou n’est pas le premier, il ne sera pas le dernier martyre de ce cas désespérant. Les cris de singe ne sont que le témoignage d’un malaise plus profond.

Tunnel par Free-Photos – Image Pixabay CC0

Dangereux

L’insulte dans sa définition la plus simple est la manifestation d’une certaine colère. On tente alors par tous les superlatifs possibles d’attenter à la dignité de l’autre. L’objectif est de sortir debout de l’opposition en le détruisant mentalement. Et pour atteindre son but, l’insultant peut donner à son expression une toute autre proportion. Raciste ici car il sait que les footballeurs noirs ont horreur de ce genre d’invectives. Une haine liée à l’histoire qui fit d’eux des descendants de « sous-hommes ».

Martinique par Orythys – Image Pixabay CC0

Le supporteur ne cherche qu’à mener son équipe vers la victoire. Il pense comme Marco Materazzi face à Zidane en 2006. L’ancien Interiste s’est certainement dit que son équipe et lui perdraient si le Français continuait le match. Ce dernier devait sortir d’une façon ou d’une autre pour que la Squaddra Azzura soit championne du monde : c’est tout. Il est allé loin, très loin même, et a emmené Zizou avec lui. Il a poussé le Bleu à dépasser les bornes de sa tolérance et l’Italie a remporté la Coupe du Monde. Ça s’appelle l’envie de gagner. Ce n’est pas forcément de la méchanceté. Une finale de Coupe du Monde pour un footballeur c’est toute une vie. C’est pareil pour certains supporters. Nous avons tous déjà entendu cette phrase générique : « Ce club c’est toute ma vie. »

Les tifosis de l’Inter savaient que Naples sans Koulibaly était prenable, et ils avaient raison. Dès que le roc est sorti, il y’a eu un but et une victoire 1-0 des Nerazzuri (surnom des joueurs de l’Inter de Milan). C’est aussi ça le football. Et un footballeur noir doit se préparer à vivre tout ça lorsqu’il signe dans un club. Aux grands maux, les grands remèdes. Ce n’est pas une histoire de noirs et de blancs : c’est un problème humain. C’est la vie, les offenses sont pour tout le monde.

OLYMPUS DIGITAL CAMERA par Oscar – Image Flickr CC BY 2.0

Les noirs ne doivent pas toujours tout ramener à la couleur de leur peau. Si on secoue un manguier c’est qu’il a des mangues, dit un proverbe africain. Si tes adversaires te taclent trop ce n’est pas parce que tu es noir ; c’est parce que pour eux tu es dangereux. Lorsqu’on te lance une banane mange la ou ignore la, ne glisse pas dessus : c’est dangereux. La légitimité du geste est laissée à l’appréciation de l’arbitre. C’est à lui de veiller au bon déroulement d’une rencontre pas aux supporteurs. La loi ne peut empêcher personne d’être raciste mais elle a le devoir de préserver sa communauté du racisme. Elle n’est pas garante de l’intégrité des hommes. Elle veille à l’équité dans la société.

Punishments par Mohamed Hassan – Image Pixabay CC0

L’ironie du sort

La société en question ici, c’est le football européen. Pas italien parce que le racisme n’a pas de nationalité. L’Italie a sauvé plus de 700.000 migrants d’une mort certaine. Ce qui s’est passé en Série A s’est déjà produit en Liga, en Ligue 1, en Premier League, etc. Il appartient donc aux hautes instances du football européen de régler ce problème. Si la Fédération italienne de football n’en est pas capable que l’UEFA (voire la FIFA) se saisisse de la situation. Des sanctions doivent pouvoir tomber dès que de tels agissements sont signalés. Ce match aurait dû être arrêté. Koulibaly exclu, l’arbitre central M. Paolo Mazzoleni aggrave les faits et entraîne les institutions du football italien (et européen) dans l’erreur. Ils exaucent les souhaits de ces ultras et participent ensemble à cette animosité.

Pourquoi donner un carton jaune à un joueur qui applaudit pour évacuer son mécontentement ? Cette sanction basée sur l’ironie est infondée. Dans une activité physique comme le football on ne peut pas se permettre de jouer les psychologues. Les faits sont là. Sont-ils vilains ou non ? Telle est la question. Les insultes sont ignorées et les applaudissements sanctionnés… c’est absurde. Entre un joueur qui insulte un arbitre et un autre qui l’applaudit, lequel est le plus à même à être puni ? On ne peut pas sanctionner un joueur qui fauche au même titre qu’un autre qui applaudit. C’est un abus et mercredi 26 décembre, ça s’est vu. Le deuxième jaune de Koulibaly était injustifié. Ces cartons donnés derrière un « clapping » doivent disparaître. Le football est émotionnel et canaliser ses émotions dans la non-violence n’a jamais fait de mal à personne. La mauvaise considération de l’Homme noir en général, si…

Abandoned Buildings par Christels – Image Pixabay CC0

« L’univers ignoré »

En phase finale de Coupe du Monde, sur 32 places disponibles l’Afrique dispose de 5 et l’Europe de 14. Pour changer ça, la FIFA augmentera le nombre total de participants d’ici 2026. Au lieu d’équilibrer, on passe à 48 et la solution perd en compétitivité. Au mondial des clubs le champion d’Afrique joue deux matchs pour atteindre la finale, le champion d’Europe un seul. Une évolution remarquable toutefois puisqu’avant la Coupe Intercontinentale se jouait entre deux continents : l’Europe et l’Amérique du sud. Le vainqueur de la Ligue des Champions et celui de la Copa Libertadores s’affrontaient pour désigner le champion du monde des clubs.

Quand un supporteur européen s’imprègne de cette répartition il se dit simplement : ils sont inférieurs à nous. Et si entre temps il s’engage à lire Victor Hugo pour élever sa pensée, il ne réagit pas forcément comme Alexane Ozier-Lafontaine devant ces mots : « La Méditerranée est un lac de civilisation ; ce n’est certes pas pour rien que la Méditerranée a sur l’un de ses bords le vieil univers et sur l’autre l’univers ignoré, c’est-à-dire d’un côté toute la civilisation et de l’autre toute la barbarie. (…) Quelle terre que cette Afrique ! L’Asie a son histoire, l’Amérique a son histoire, l’Australie elle-même a son histoire ; l’Afrique n’a pas d’histoire. Une sorte de légende vaste et obscure l’enveloppe. Rome l’a touchée, pour la supprimer ; et, quand elle s’est crue délivrée de l’Afrique, Rome a jeté sur cette morte immense une de ces épithètes qui ne se traduisent pas : Africa portentosa! (Applaudissements.) (…).»

Le célèbre auteur de l’œuvre « Les Misérables » ajoutera même « L’Afrique importe à l’univers » pour mieux agréer les velléités de colonisation de la « barbarie » par « la civilisation ». Nous sommes le 18 Mai 1879 à « un banquet commémoratif de l’abolition de l’esclavage » présidé par l’écrivain humaniste. L’expression d’un dédain qu’il ne partage pas qu’avec des caucasiens. Les bons élèves fourmillent sur la planète.

Gandhi par Dcprotog – Image Pixabay CC0

En Afrique du nord par exemple, le trafic des migrants en Lybie, la mort de l’attaquant camerounais Albert Ebossé en Algérie ou celle plus récente de Falikou Coulibaly à la Soukra, président de l’Association des Ivoiriens de Tunisie, attestent de la considération simpliste qu’on a des noirs dans le monde, footballeurs ou pas. Même les non-violents n’ont pas été tendres avec nous. Gandhi, la grande âme, déclarait en 1903 : « Bien entendu, de mon point de vue, le Conseil municipal doit débarrasser ce quartier de ces Cafres (les noirs). Quant à la mixité entre Cafres et Hindous, je dois confesser que j’y suis absolument opposé. Je pense que c’est très injuste pour la population indienne. »

Africa Children par Sissi – Image Pixabay CC0

Ce qui ne te tue pas te rend plus fort…

Les footballeurs noirs doivent s’interroger sur leur situation eux-mêmes. Personne ne le fera pour eux. Ils ont suffisamment de réponses sportives et extra-sportives aux questions qu’ils doivent se poser. Les débats, les tweets, les posts et les messages de soutien ne suffiront pas. Pour que ce racisme disparaisse à jamais, il faut remonter le temps et effacer la traite négrière transatlantique, la traite négrière vers le monde arabo-musulman, le colonialisme et bien d’autres cortèges de malheurs qui ont détruit l’image de l’Homme noir. Ce qui est impossible. Ignorer les distractions pour atteindre son objectif et garder la tête haute peu importe les conditions, sont les seules solutions. Demain on ne dira pas que Koulibaly a été victime d’attaques raciales : on dira que l’Inter de Milan a battu Naples. Seule la victoire est belle. Soyez des vainqueurs !