Diego Maradona : le contre-exemple

Article : Diego Maradona : le contre-exemple
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29 novembre 2020

Diego Maradona : le contre-exemple

Diego n’est plus. Le football pleurera à jamais l’un de ses plus prestigieux rois. Des larmes justifiées sur le plan sportif, mais souvent remises en cause sur le plan éthique. Diéguito n’a pas toujours été un exemple sur le terrain et c’est aussi ça le problème.

QCM

C’est l’exception qui confirme la règle. La popularité de La Pelusa n’a de sens que dans l’opposition qu’elle suscite. Un homme apprécié de tous, ça n’existe pas. Le Maître faisait peut-être l’unanimité, mais pour le footballeur Peter Shilton, il a oublié de se faire pardonner :

« Il est le plus grand joueur que je n’ai jamais affronté. Mais ce que je n’aime pas, c’est qu’il ne se soit jamais excusé. À aucun moment, il n’a admis avoir triché et dit qu’il voudrait s’excuser. À la place, il a utilisé son expression,  »main de Dieu ». Ce n’était pas juste […]. Mais je suis attristé d’apprendre sa mort à un si jeune âge. »

Une pensée corroborée par l’entraîneur de Nantes, Christian Gourcuff, qui va plus loin et pense à la jeunesse :

« Maradona, je l’ai admiré, je l’ai vu évoluer dans ses meilleures années. Sur le plan technique, sur le plan de la virtuosité, c’était phénoménal […]. C’était un joueur d’exception […]. Après, c’était sans doute un chic type, je ne sais pas, je ne le connais pas. Mais il a eu une vie qu’on ne peut pas donner en exemple. Il faut relativiser : ce n’est pas parce qu’il est décédé qu’il doit devenir un exemple pour la jeunesse. »

Et Omar Da Fonseca, le plus grand fan de La Pulga* de lui répondre au micro de RMC Sport :

« Évidemment, il faut peser les mots. Si on dit que c’est un exemple, non. Se droguer, avoir plusieurs femmes, il ne faut pas le faire. Mais vous n’avez pas idée de ce qu’est la banlieue sud de Buenos Aires dans les années 1960. Un jour, il avait dit qu’il venait de la cave, du sous-sol, et qu’il avait touché les étoiles. Il s’est retrouvé seul à un moment donné. Il a connu le trou, et il s’est aussi baigné dans des endroits où il y avait des robinets en or. »

Des déclarations édifiantes, qui écorchent toute la délicatesse du culte voué à Maradona. Entre blasphèmes et tolérance de la malice, on surfe sur un sujet qui pourrait bien tirer notre avenir vers le bas. « La main de Dieu » n’a pas seulement donné l’avantage à l’Argentine face à l’Angleterre. Elle a, 20 ans après, eu aussi raison d’un joueur soupçonné d’avoir triché pour gagner son seul et unique trophée. Les Three Lions s’excuseront-ils pour le traitement infligé à Pelé (et à l’Argentine) en 1966 ?

Carton rouge

Le retour du bâton ? Le terrain seul ne suffira pas pour inculper qui que ce soit. Il n’est la preuve que si tu triches, tu auras le salaire qui va avec. Tous ceux qui gagnent le méritent, et inversement.

En déifiant la maladresse de Diego, on l’a définitivement enfoncé. Maintenu dans l’erreur, il en a fait une vie. On lui a donné l’impression que la duperie était acceptable et il a continué dans ce sens, pensant qu’il était intouchable. Après 1986, il utilisera encore sa main pour jouer de la tête au « pied-ballon ». Il pérennisera de ce fait un geste antisportif, que Thierry Henry et le sextuple Ballon d’or Lionel Messi reprendront après lui.

Pour le grand bonheur du sport roi ? Pas spécialement. Quand on voit ce qu’a subit Titi après sa main face à l’Irlande, on peut d’ores et déjà mesurer l’impact d’un tel acte. Une attitude que la VAR (l’assistance vidéo à l’arbitrage) n’encouragera certainement plus. À moins qu’on l’enlève pour entretenir l’esprit du jeu, comme disent certains…

Sévir pour servir

« Où était la VAR lorsqu’on avait le plus besoin d’elle ? », se questionnait le Daily Star pour rendre hommage à l’Argentin. Ce titre choquant pose un problème néanmoins fondamental. Une question existentielle dont la réponse devrait servir aux générations futures.

Personne n’est parfait. Juger Maradona n’est du ressort d’aucun homme, pour paraphraser Habib Beye. Cependant, ce n’est pas pour autant qu’on doit sacraliser la tricherie. Ce serait « malsain », comme dirait Christian Gourcuff, de le faire : d’enseigner à ses enfants la déloyauté. Les défauts sont faits pour être anéantis : pas entretenus. Si on l’avait puni, si la VAR était née en 1986, Maradona serait peut-être encore vivant aujourd’hui.

*Surnom de Lionel Messi

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