Lei Wu : Pourquoi pas ?

24 mars 2019

Lei Wu : Pourquoi pas ?

Le 21 Mars dernier la Thaïlande est venue à bout de la Chine 0-1. Cette défaite des hommes de Fabio Cannavaro survient dans le cadre de la China Cup. Annuel tournoi amical organisé depuis 2017 par la firme chinoise Wanda Sports Holdings. La Grande Muraille ne succèdera donc pas au Chili et à l’Uruguay. La faute possiblement à l’absence d’un « invité » de marque dans cette coupe à quatre : Lei Wu. Le plus jeune professionnel chinois de tous les temps (14 ans et 287 jours) a été laissé au repos par son sélectionneur. L’objectif étant qu’il poursuive sereinement son adaptation dans son nouveau club : l’Espanyol de Barcelone. Un autre monde et des couleurs zébrées bleues et blanches qui lui vont plutôt bien…

AFC Asian Cup 2019, Group C – Philippines vs China at Mohammed bin Zayed Stadium on 11.01.2019 par El Loko Foto. Wikimedia Commons CC BY 4.0

Wu scored…

Ça va faire quelques années maintenant que la Chine a « refait » son apparition dans l’univers du football. La première participation au Mondial 2002 de cette pionnière du sport roi, prélude l’éclosion d’une ligue devenue quasi incontournable aujourd’hui. À coup de millions d’euros, des grands noms du football européens sont attirés et la Chinese Super League gagne en popularité. Réputation qui se greffe au doute qui entoure son niveau global. Est-elle comparable aux grandes ligues européennes ou non ? La réponse se trouve certainement entre les pieds du meilleur joueur, meilleur buteur (27 buts et 8 passes décisives) et champion en titre de son dernier exercice. Lei Wu : « Je suis très heureux. J’ai marqué mon premier but en Chinese League après des mois et j’ai déjà un but en Liga. C’est comme un rêve (…) »

Un but, une passe décisive, Lei Wu démontre en seulement sept matchs ce pourquoi il est venu : « La pression est mon moteur, c’est ce qui me pousse. En Europe, je veux démontrer aux supporters du monde entier qu’en Chine, il y a des joueurs capables de briller dans les meilleurs championnats du monde. » Et ça c’est sans prendre en compte son impact sur le jeu. Depuis qu’il a signé, l’Espanyol a perdu une fois. C’était face au FC Séville 0-1. Un but de Ben Yedder sur pénalty qui fait montre des difficultés éprouvées par les Sévillans dans ce choc en terre Catalane. Des gênes ébauchées par une action lumineuse du Maradona Chinois en seconde période : petit pont sur Daniel Carriço pour se jouer de deux adversaires sur le flanc droit et frappe dans un angle impossible, déviée en corner.

Stade de l’Espanyol de Barcelone par Panotxa – Wikipedia (Domaine Public)

Une « minute » d‘éclat parmi tant d’autres, auxquelles on peut ajouter celle contre le Rayo Vallecano. Un geste de génie où sur son côté gauche, le natif de Nanjing s’emmène le ballon d’une aile de pigeon ; place un crochet intérieur du gauche pour se faufiler entre deux défenseurs dépassés par sa vitesse d’exécution ; et se fait tacler par derrière dans la surface de réparation. Pénalty ! But ! Borja Iglesias égalise avant que ne surgisse le « dard » de Darder à la 96e minute. Victoire 2-1.

Au bout du supens, un succès qui précède un match nul 1-1 face à Huesca où le polyvalent attaquant Chinois a martyrisé ses objecteurs. Frappe enroulée, demi-volée acrobatique, échappées solitaires, feintes, un bal ponctué par un tir sur le montant droit qui vient conclure une initiative de toute beauté. Appel de balle dans le dos de la défense. Un contrôle du droit, deux, trois, quatre, il fixe son vis-à-vis, fait mine d’entrer dans l’axe et l’élimine sur un crochet intérieur. Café-crème, accélération sur un boulevard à partir duquel il peut prendre le gardien adverse à contre-pied. Plat du pied, poteau sortant…

Drapeau Espanyol de Barcelone par 1966666 – Pixabay CC0

Les apparitions de Lei Wu dans le championnat espagnol ne sont jamais passées inaperçues. Sur le site de statistiques Whoscored.com par exemple, on peut remarquer que le joueur formé au Genbao FB a toujours été noté au-dessus de 6/10. Lors de son premier match en Liga contre Villareal, il fait une entrée décisive à 12 minutes de la fin et empêche la défaite de son équipe. Supersub, c’est lui qui sera à l’origine de l’action du but fatal au Sous-marin Jaune (Surnom de Villareal). Un chefd’œuvre de Rosales qui sublime une partie où son club était mené 2-1 lorsqu’il foulait la pelouse. Score final 2-2 et note du match pour Lei Wu 6,27/10.

Ensuite ce sera 6,77 contre le Rayo Vallecano, 6,1 à Valence, 7,25 contre Huesca, 7,86 contre Valladolid, 6,73 à Bilbao et 6,59 contre Séville. Bien ! Assez Bien ! Des mentions supérieures à la moyenne qui prouvent qu’il est réellement passé maître dans l’art du Cuju (ancêtre chinois du football). Bon de la tête, un potentiel perfectible à même de viser plus haut sur le Vieux Continent. Une idée que soulignait déjà son compère de l’attaque Borja Iglesias le 14 Fevrier passé. L’ancien goleador du Real Saragosse affirmait alors : « Il est capable d’être titulaire. » Concise, claire, une allégation vérifiée. Sur les sept matchs auxquels Wu a participés, il a été titulaire à cinq reprises. Face à Huesca et le FC Séville, il a même joué l’intégralité des 90 minutes.

Marketing par rawpixel – Pixabay CC0

Du marketing à l’état solide

Sur le plan commercial, il est impossible de nier le flair du club présidé par le chinois Chen Yansheng. En recrutant Lei Wu, il fait simplement une « excellente » affaire. On parle d’une transaction de deux millions d’euros environ qui a largement fini de payer sa dette. En effet, avec la venue du meilleur joueur chinois, les Catalans se sont attiré les regards de près d’un sixième de la population mondiale. Ses premières minutes en Liga ont mobilisé 40 millions de téléspectateurs et son premier but 25 millions. Et qui dit plus de spectateurs, dit plus de publicité. Plus de publicité, plus d’argent. Des moyens qui devront forcément permettre d’attirer de meilleurs talents. Que pensez-vous des Brésiliens Hulk et Oscar ? Avec eux la fête serait belle et le trio du Shanghai SIPG recomposé…

Toujours est-il cependant, qu’on appréhende mieux pourquoi il y’a ce petit japonais qui revient d’Espagne dans le nouveau jingle officiel de la Liga. « Ils sont fous de football » déclare le jeune nippon assis dans le taxi qui le ramène chez lui… Puissance démographique voisine de la Chine où comme par hasard Andrés Iniesta, David Villa et Fernando Torres ont signé récemment. Dans sa guerre contre la Premier League, la Liga semble avoir trouvé les ambassadeurs de sa cause. Javier Tebas, président de la Liga :

« la Liga fait très attention au marché chinois et aux joueurs qui jouent en Chine et qui ont le potentiel pour faire de bonnes choses en Espagne. On veut que les fans chinois voient la Liga comme le deuxième championnat le plus important du monde derrière le leur et on veut maximiser ce potentiel. C’est un marché qui se développe plus que tout autre marché. Jouer des matchs de Liga en Chine ? Nous n’écartons rien. »

FC Barcelone par Save the Dream from Doha, Qatar – Wikipedia CC BY-SA 2.0

Aussi, désormais après Messi en Espagne, les performances les plus attendues seront celles de Lei Wu. Le derby barcelonais va gagner en audience et tout le monde sera content de voir Léo s’opposer à celui que certains fans du RCD surnomment déjà le Messi Chinois. Un pseudo qui donne le coup d’envoi d’une autre ère… Une rencontre qui débute très bien, le Footballeur Chinois de l’année 2018 recevant son prix à Barcelone. Trophée similaire au Ballon d’or qui ne fait pas que pousser la comparaison très loin. Mais confirme mêmement l’existence d’une mercatique liant les deux non-européens. Javier Ibáñez, directeur de la communication de la Liga en Asie : « Quand Wu Lei a marqué les réseaux sont devenus fous. On a eu 28.000 réactions, pendant qu’un but de Messi en a généralement 2.000. » Soit l’équivalent de 14 buts du capitaine Blaugrana.

On dénombre également 20.000 followers de plus sur les comptes Facebook, Twitter et Instagram de l’Espanyol depuis son arrivée. À ceux-là s’additionnent tous ces adulateurs chinois qui investissent – au grand dam du Camp Nou – les gradins du Stade de Cornellà-El Prat pour suivre leur idole. Javier Perez, journaliste du PericosOnline :

« On a déjà noté une claire augmentation du nombre de Chinois dans les tribunes du RCDE Stadium. Avant, on en voyait à peine, et maintenant on voit des groupes à chaque matchs. Il y a deux semaines, profitant du Mobile World Congress, le club a fait une grande campagne marketing en utilisant l’image de Wu Lei pour le match. Une autre donnée significative c’est que le jour même de sa présentation, plusieurs gens d’origine chinoise sont venus, et le premier qui a acheté le maillot était un Chinois. Le club a lancé une édition spéciale du maillot avec le nom écrit en alphabet chinois et les 100 unités mises en vente se sont vendues. »

Barcelona Arène par aggichan – Pixabay CC0

Soleil au zénith

Et maintenant place au jeu. Les aiguilles seront ajustées aux heures de l’Empire du Milieu et les Socios chinois pourront regarder leur étoile briller. Sous ce chaud soleil de la péninsule ibérique, l’instant s’avère opportun. Yan Qiang, journaliste sportif chinois au micro de la CGTN Sports Scene : « Je pense que c’est le moment idéal pour lui de signer là-bas. Il a 27 ans et il est arrivé au sommet de sa carrière. » En plus d’être convaincu que c’est une « bonne nouvelle pour le football chinois », le consultant précisera :

« En ce qui concerne les caractéristiques de jeu, il est très rapide et précis devant le but. Il est également créatif dans sa manière d’attaquer. A mon avis, la Liga ne demande pas beaucoup d’efforts physiques comme la Premier League ou la Bundesliga. Elle contient beaucoup de joueurs très techniques et très rapides. (…) »

LW7 à l’endroit idoine, l’invité de la China Global Television Network n’est pas le seul à le penser. L’histoire aussi nous rappelle que le mythique gardien camerounais Thomas Nkono a connu une trajectoire similaire à celle du Left Wing. Le natif de Dizangué avait identiquement quitté ses origines après y avoir brillé, pour l’Espagne. Et c’étaient les Pericos (surnom des joueurs de l’Espanyol) qui l’avaient accueilli. Avec panache, le séjour allait durer neuf saisons. Une éternité qui donne de ce fait raison à l’optimisme qui gravite autour de ce transfert. Une tactique taillée sur mesure pour booster le rendement de « Lei Wu Messi » serait donc envisageable ? Pourquoi pas ! Le premier Chinois à inscrire un but en Liga a tout ce qu’il faut recevoir la balle. Joan Francesc Rubi, entraîneur de l’Espagnol de Barcelone :

« Ses coéquipiers reconnaissent sa mentalité et ses qualités. Il est un joueur en plus dans le vestiaire. Le processus d’adaptation s’est accéléré, il comprend tout. Nous sommes contents. C’est une plume. Tu ne sais pas ce qu’il va faire, et les défenseurs non plus, il est rapide il joue vertical, il combine et a de bonnes qualités techniques. Il répond aux attentes, qu’il continue comme ça. »

Ça promet…

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