L’Amérique Latine et ses gardiens de but modernes

Article : L’Amérique Latine et ses gardiens de but modernes
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27 septembre 2019

L’Amérique Latine et ses gardiens de but modernes

En 2014 le monde a redécouvert Manuel Neuer au Brésil. Ce gardien de but capable de quitter son « bureau » pour utiliser sa tête. D’opérer cette sortie hasardeuse qui l’emmènera plus loin 4 ans plus tard en Russie. Notamment face à la Corée du Sud où l’allemand jouait carrément dans la moitié de terrain adverse. Son pays était mené 1-0 et il fallait égaliser. Sauf que les coréens ne sont pas dupes. Les Tigres de Daegu savaient bien qu’un gardien loin de sa cage : c’est une occasion en or de marquer. Et Heung-Min Son a tué le match. Score final 2-0.

Un héritage venu d’ailleurs

Toutefois, le problème n’est pas le résultat. Mais l’attitude du gardien : le gardien moderne. C’est le terme qu’on utilise aujourd’hui pour qualifier cette nouvelle génération de gardiens de buts. Ces remparts dotés d’un précieux jeu aux pieds, capables d’apporter leur aide aux joueurs de champ. Pep Guardiola adore ! Et c’est surement pour cette raison qu’il joue avec un sud-américain dans ces filets. Le brésilien Ederson est l’héritier d’une pléthore de gardiens modernes issus de ces Amériques. Des génies que le football européen a recalés. Prétextant qu’ils étaient fantasques…

Tel est pris qui croyait prendre

Les plus avisés se souviennent certainement de René Higuita et de sa fameuse crinière frisée noire. De ce geste incroyable qu’il a réinventé à Wembley en amical face à l’Angleterre : le coup du scorpion. Un arrêt irrationnel durant lequel El Loco laisse passer le ballon au-dessus de sa tête pour le reprendre en arrière avec la semelle de ses godasses : la plante de ses pieds. Une parade invraisemblable, fille d’une action toute aussi cocasse. Un but que le colombien a pris contre le Cameroun en 1990 au mondial italien.

Sa sélection menée 1-0. Positionné non loin de la ligne médiane, le coéquipier de Carlos Valderama allait tenter d’enrhumer Roger Milla. D’éliminer ses adversaires comme à son habitude pour prêter main forte à son attaque. En vain ! On n’apprend pas au Vieux Lion à sortir ses griffes. Le double Ballon d’or Africain récupère la balle. Passe devant son vis-à-vis. Accélère et déclenche une course poursuite entre le portier et lui. Sprint qui se terminera par un petit plat du pied de l’avant-centre camerounais dans les filets vides du natif de Medellin. Score final de ce huitième de finale 2-1. Les Cafétéros réduiront la marque en fin de matches.

Goleador

Toutefois, le problème n’est pas le résultat. Mais l’attitude du gardien : le gardien moderne. C’est le terme qu’on utilise aujourd’hui pour qualifier cette nouvelle génération de gardiens de buts. Ces goalkeepers qui font du Jorge Campos. Mais en moins bon. Du haut de son mètre 68, le légendaire gardien mexicain ne se contentait pas d’être excellent balle au pied. Drapé dans ses maillots enluminés, cet ancien attaquant faisait bien plus que jouer haut. Il dribblait et marquait énormément de buts (46 au total).

Une capacité qu’il partageait avec un célèbre autre gardien latino-américain. Celui qui attendait la France en 1998 dans un piège tendu par ses coéquipiers. On est au second tour de la Coupe du Monde. Le Paraguay joue le 0-0 à fond pour attirer les français aux tirs aux buts. Et les battre grâce à leur atout majeur, spécialiste des pénaltys et des coups francs : José Luis Chilavert. Mais le tour n’a pas fonctionné et la lumière est venue de Laurent Blanc. Victoire 1-0 des Bleus sur les Rojiblancos.

Numéros 1

Le poste de gardien de but est le seul avec lequel aucun compromis tactique n’est possible. Leur tenue remarquable définit un domaine élitiste. Équilibriste sur sa ligne, sa prestation ne tient qu’à un fil. Celui de ce temps qui tend à le dissimuler. A l’heure où un Ballon d’or pour les gardiens a été créé par France Football, il est important de le souligner encore. De rappeler à quel point le gardien est indissociable du sport roi. Y-a-t-il un Ballon d’or pour les attaquants ? Pour les milieux ? Ou pour les défenseurs ? Non. Les N°1 doivent pouvoir concourir au même titre que les N°9, 10 et autres. Une équipe de foot sans gardien de but est une défaite ambulante.

En avance sur son temps, l’Amérique Latine l’a compris depuis : le gardien est un footballeur complet. La cour du roi des sports n’est pas une cour de récréation. Ce n’est pas celui qui ne sait pas jouer qui va au goal. C’est une erreur… Oui, c’est injuste que Lev Yachine soit le seul gardien Ballon d’or à ce jour. Et ce sera le cas encore plus, dès la première remise de cette médaille.

Les gardiens ont besoin de plus de reconnaissance : pas d’un désaveu. Ce titre ne leur rend pas service. Dans ce monde qui pense les changer en libéro, il les exclut. C’est le Ballon d’or même qui devrait porter le nom de Lev Yachine, d’Higuita, de Campos ou de Neuer. Vu qu’il récompense les numéros 1 du football.

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