Lille : Le beau travail de Bielsa

Article : Lille : Le beau travail de Bielsa
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8 mai 2019

Lille : Le beau travail de Bielsa

Le club emblématique de Leeds United est sur le point de remonter dans l’élite Anglaise. Une première depuis 2010, une « happy end » qui cependant attendra l’issue des barrages pour célébrer ce come-back. Les Peacocks (surnom des joueurs de Leeds) devront d’abord passer le Derby County de Frank Lampard avant de jouer une finale à Wembley contre Aston Villa ou West Bromwich Albion. Et de terminer cette histoire qui a débuté dans le nord de la France avec un  « fou »…

Le début de la fin

Pour la réception de Nîmes il y’a deux semaines, le Stade Pierre Mauroy a encore eu la chance d’accueillir José Mourinho. Le Special One vient une seconde fois assister à la prestation d’un groupe bourré de jeunes talents très prometteurs : une équipe sauvée de justesse l’année passée. Alors entraînés par l’argentin Marcelo Bielsa, les Dogues (surnom des joueurs de Lille) sombraient progressivement dans les limbes jusqu’à ce qu’un « petit homme vert débarque ». Ça n’a pas été un jeu, mais le Stéphanois a réussi à mettre chaque joueur à son poste : à redonner de l’allant aux nordiques. Les tactiques folles d’El Loco ont laissé des traces à tous les niveaux. Christophe Galtier :

« L’an dernier, j’ai passé mon temps à vous mentir (les médias) en affirmant après les matches, en conférence de presse, que ça allait le faire, quitte à passer par les barrages, que ça allait passer d’un millimètre. Mais lorsque je rentrais chez moi, je m’effondrais par terre en pleurs et je disais à mon épouse que je n’allais pas y arriver. Elle me répondait : « Tu ne peux pas me dire ça ». Le lendemain, j’allais au marché, place du Concert (près de son domicile lillois) et les gens me disaient : « Christophe, on compte sur vous ». Alors, tu continues à travailler, à chercher autre chose »

Des traces néfastes, souvent aussi écœurantes que ce mea-culpa de l’ancien coach de Saint-Étienne. Symbole du projet de la présidence de Gérard Lopez, « l’homme assis sur une glacière » a poussé (malgré lui) les supporters à la révolte avec ses résultats catastrophiques. Il est quasiment le « producteur » de ce chant « Ultra » triste. La Lilloise… : « Si on descend, on vous descend ! » Une ballade ponctuée sur une impasse, les joueurs pris à partie par « leurs » fans sur leur terrain. Le projet « LOSC Unlimited » de Luis Campos s’effrite. Le jeu flamboyant envisagé se transforme en cauchemar et le top 5 visé en rêve. Le club est menacé de relégation à titre conservatoire et interdit de recrutements. Atmosphère délétère qui s’achève finalement sur une querelle financière opposant le natif de Rosario à ses patrons. L’ancien entraîneur Marseillais :

« Lille est le pire souvenir de ma carrière. Pas à cause de la ville, des joueurs, des supporters ou des employés du club. Mon ego a été touché comme ce n’était encore jamais arrivé dans ma carrière. Ce n’est pas non plus à cause des résultats, suffisamment mauvais pour entamer l’estime que j’ai de moi-même, mais parce que j’ai été débarqué par les personnes qui m’avaient embauché alors que nous avions joué à peine 20 % des matches. »

Marcelo Bielsa par Рыбакова Елена – Wikipedia CC BY-SA 3.0

Naïvement vôtre

Eric Cantona déclara jadis : « Tout être différent, sortant de la norme, est considéré comme fou. » Une expression qui définit à ravir l’être Bielsa. Pendant que tous se cherchent une touche en cuir pour se projeter sur la pelouse, notre technicien n’arrête pas de se lancer des défis. Les écuries des divisions les plus prestigieuses du Vieux Continent qui aimeraient enrôler Bielsa sont certainement nombreuses… : et il choisit une division inférieure. Une option curieuse, l’amour pour le challenge. Une aventure flétrie par l’affaire du Spygate, sans véritables conséquences. MB a espionné les entraînements de ses adversaires en Championship, il a payé l’amende de sa poche (230.000 Euros). Preuve que le sélectionneur Chilien (2007 – 2010) veux bien être en Angleterre. « En mission » il est à Leeds comme il l’était à Lille.

Une mission impossible pour un type atypique. Un meneur qui a apporté au triple champion de France une pépinière de jeunes virtuoses. Footballeurs d’exception qui portent aujourd’hui la « médaille d’argent » de Ligue 1. Ramener les sextuples vainqueurs de la Coupe de France au sommet, Bielsa a réussi son pari. Même si ça ne se voit plus, il est à la base de ce collectif en puissance qui suscite les convoitises dans les plus hautes sphères du Ballon Rond. Mike Maignan, Thiago Mendes, Thiago Maia, Luis Araujo, Ballo Touré… on pense notamment à Nicolas Pépé, premier choix du manager des Whites (surnom des joueurs de Leeds) :

« J’ai eu de très bons rapports avec Bielsa, c’est un coach qui a une philosophie de jeu différente. Il m’a fait jouer avant-centre, mais c’est bien, car c’est cela qui m’a fait grandir mentalement. Quand on ne marque pas, on doute et ça vous forge le caractère. C’est un peu grâce à lui que j’ai appris la patience donc c’était une expérience positive. »

L’efficacité à la baguette

C’était donc un beau football sans expérience. Une débauche d’énergie qui laisse entrevoir un excellent fond de jeu sans réussite notoire. Ce style où on joue tout pour l’attaque en laissant de gros espaces dans le dos de la défense. Football total à moitié, attitude débonnaire qui prouve bien que pour mieux rajeunir il faut savoir vieillir. Apprendre à se laisser bercer par une voix autoritaire qui vous dicte la conduite à suivre. Cette voie là-même qui encadre vos acquis. Tel un fruit vert de jouvence, Lille avait besoin de mûrir. Pour se rendre agréable au roi des sports, le LOSC était dans l’obligation de s’attirer du « vécu ». Chose que Galtier a compris et idéalement appliqué. Les internationaux Portugais et Français, le défenseur central José Fonte et l’avant-centre Loïc Remy sont les principales clefs du succès des Lillois cette saison. Sans oublier Brice Samba, Jonathan Ikoné, Soumaré, Soumahoro ou Célik, on tire le chapeau à ces acteurs qui ont pérennisé le beau travail de Marcelo Bielsa, dit « le fou »…

Chess par Devanath – Pixabay CC0
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