Cameroun : La légende des gardiens de buts continue

Article : Cameroun : La légende des gardiens de buts continue
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21 mars 2019

Cameroun : La légende des gardiens de buts continue

Si le Cameroun était une usine, le pays de Roger Milla serait une grosse fabrique de talents. Françoise Mbango, Carlos Takam, Francis Ngannou, Pascal Siakam, Joel Embiid… une industrie qui s’étend au-delà des terrains de football. Sport roi qui n’a jamais cessé néanmoins de lui jouer des succès. D’entretenir ce dilemme récurrent qui a pris la belle habitude d’opposer sur sa ligne de but deux grands gardiens pour la place d’un seul. Afin d’illustrer ce problème de riches, trois face-à-face seront dégagés ci-dessous…

Lion Teeth Roar par IanZa – Pixabay CC0

Thomas Nkono – Joseph Antoine Bell (1982-1994)

La seconde partie des années 70 et le début des années 80 marquent la naissance d’une grande nation de football africaine et mondiale : le Cameroun. Les champions d’Afrique en titre qui s’étaient déjà fait remarquer dans les années 60 avec Oryx de Douala – le premier champion d’Afrique des clubs – et son Maréchal Mbappé Leppe, commence à connaître la renommée internationale. Une réussite où bien évidemment ses joueurs font office de superstars. Constellation qui créera naturellement des difficultés au sein de l’équipe nationale. Qui joue ? Qui ne joue pas ? Joseph – Antoine Bell ou Thomas Nkono ?

Une question peu évidente qui donnera une réponse toute trouvée. Le titulaire c’est Thomas Nkono et nous sommes en 1982 au Mondial. Le Mekok Megonda (surnom des joueurs du Canon de Yaoundé) a la faveur du public camerounais, de l’entraîneur de feu Jean Vincent et ses prestations extraordinaires parlent pour lui. Champion du Cameroun en 1974, 1977, 1979, 1980 et en 1982. Vainqueur de la Ligue des Champions Africaine en 1976 et 1980, le double Ballon d’or Africain (1979 et 1982) laisse une toute petite place à son aîné et fidèle concurrent Bell. Sociétaire de l’Union de Douala de 1975 à 1980, le natif de Mouandé est contraint de se contenter de deux titres de champion du Cameroun en 1976 et 1978 et d’une couronne de champion d’Afrique en 1979.

Thomas Nkono par Fketchemen – Wikimedia Commons (Domaine Public)

Forcé de s’exiler pour plus de visibilité, Jojo rejoint l’Africa Sports en Côte d’Ivoire de 1980 à 1981 et Arab Contractors en Egypte. Dans le premier club de Mohamed Salah, il sera champion et vainqueur de la Coupe des Coupes en 1983. Des succès qui lui permettent de gagner une place de titulaire pour la CAN 1984. Emmenés par le Yougoslave Rade Ognanovic les Camerounais remporteront leur première Coupe d’Afrique des Nations. Tommy jouera les deux premiers matchs et lui les trois autres. Un « coup du chapeau » qui l’enverra à l’OM avant le sacre à la CAN 1988 sous les ordres de Claude Leroy. Double « cheez », son plus grand rival étant absent du tournoi marocain.

Aussi, ce dernier attendra la Coupe du Monde Italienne 1990 pour retrouver les filets de la sélection et inspirer un certain Gigi Buffon, alors milieu de terrain ou défenseur. Le retour du gardien de l’Espanyol de Barcelone (1982-1991) serait lié à une mise à pieds du portier des Girondins de Bordeaux (1989-1991) pour indiscipline. La rumeur raconte qu’il aurait déclaré que le Cameroun allait perdre le match d’ouverture face à l’Argentine de Maradona 5-0…

Vrai ou faux, ce qu’il y’a de certains toutefois c’est que ces deux monuments ne s’appréciaient pas vraiment. L’absence de Nkono au jubilé de Roger Milla jumelée à la présence de Bell est un indice fort de cette mésentente. Pourtant ils ont commencé et terminé ensemble leur carrière internationale. Une durée qui s’étend de 1976 à 1994, après une Coupe du Monde à laquelle les deux ont participé. Nkono sur le banc, Bell sur la pelouse, les Lions s’étaient fait éliminer au premier tour avec 1 point pris face à la Suède (2-2) et deux défaites contre le Brésil (3-0) et la Russie (6-1). 11 buts encaissés qui mettent fin à 18 ans de cohabitation, 112 sélections pour Thomas, 50 pour Joseph – Antoine et zéro trophée européen pour les deux.

Samsunspor Store par Cobija – Wikipedia CC BY-SA 3.0

Alioum Boukar – Jacques Songo’o (1998 – 2002)

A la fin du règne de Bell et de Nkono, le Cameroun n’a pas attendu pour voir éclore un autre antagonisme au sommet. Jacques Songo’o jusque-là dans l’ombre de la paire de géants, a logiquement pris la place de n°1. Une position qu’il a gardée très peu de temps. Notamment durant France 1998 où ses envolées spectaculaires ont failli éviter à sa sélection une deuxième élimination de suite en phase de poule de la Coupe du Monde. Hélas !

Ainsi, deux ans plus tard à la CAN 2000 c’était terminé. Le gardien titulaire de la grande époque du Deportivo la Corogne a été vite dépassé par les impressionnantes relances à la main de son second Alioum Boukar. Il faut dire que le meilleur gardien de Liga de la saison 1996/97 n’avait pas la côte au pays. Les mauvaises langues disaient même qu’il « porte la poisse ». Une médisance alimentée par ce but qu’il prend 12 minutes après son entrée lors du match de préparation du 26 Mai 2002 contre l’Angleterre. Le Cameroun menait 2-1. Les Lions étaient sur le point de se « venger » de la défaite 3-2 subie face aux Three Lions 12 ans avant et il a pris le but du 2-2. Un match nul qui a enterré une bonne partie du bien que le camerounais lambda pensait à son endroit.

En outre, le triple champion d’Afrique (1984, 1988 et 2002) n’a jamais su convaincre les multiples observateurs du football camerounais, contrairement à l’ancien Canonnier (surnom des joueurs du Canon de Yaoundé). Celui qui a passé toute sa carrière européenne dans des clubs moyens du championnat Turc, a su profiter à fond des chances qu’on lui donnait. Deux fois champion d’Afrique en 2000 et 2002, Alioum fait partie des principaux héros qui ont redonné au Cameroun ses couleurs éclatantes après plus de 10 ans de disette. Sa prestation épique lors de la séance des tirs aux buts contre le Sénégal en finale de la CAN 2002, restera dans les annales comme la cerise sur le gâteau d’un parcours atypique. L’ancien joueur du Samsunspor arrêtera sa tournée internationale en 2004 avec 54 sélections. Soit huit de plus que le champion d’Espagne 2000. Pourtant il a commencé en 1992 : huit ans après lui… C’est ça le Cameroun. Etre l’un des meilleurs gardiens d’Europe ne suffit pas pour être titulaire dans la tanière.

Fabrice Ondoa par Кирилл Венедиктов – Wikimedia Commons CC BY-SA 3.0

André Onana – Fabrice Ondoa (Depuis 2015)

Après les retraites d’Alioum et de Songo’o, on aurait pu citer l’opposition entre Idriss Carlos Kameni et Souleymanou Hamidou. Du temps perdu, le premier trop fort pour le dernier. Digne héritier de Nkono à l’Espanyol de Barcelone, le joueur du Fenerbahce a longtemps appartenu à l’univers des portiers les plus redoutés de l’élite Espagnole. Les deux Ronaldo et Messi en savent quelque chose. Ils ont eu un avant-goût de ce que c’est qu’un lion indomptable dans une cage. L’agent d’André Onana gardien de l’Ajax :

« Le FC Barcelone a-t-il émis son souhait de le voir revenir ? C’est exact. Ce n’est pas un secret que le FC Barcelone est intéressé. »

Le 28 Avril 2017 Thomas Nkono déclarait :

« Traditionnellement, il y a toujours eu de bons gardiens au Cameroun. On le voit actuellement, avec la nouvelle génération. Fabrice Ondoa est très doué, je suis d’ailleurs souvent en contact avec lui. Il fait preuve d’une grande maturité. André Onana est très bon également. Il y a aussi Carlos Kameni, plus âgé et qui est peut-être le meilleur gardien camerounais du moment. »

Une période plus que révolue. Malgré son expérience, ICK est le troisième dans la hiérarchie actuelle des gardiens camerounais. Le premier c’est certainement André Onana, si on se base sur ses performances avec l’Ajax. Toutefois en équipe nationale, il tarde à s’envoler. A l’image du but qu’il prend aux Comores (1-1), sa présence en sélection ne rassure pas. Sur ce plan, Fabrice Ondoa est clairement meilleur que lui. Le gardien d’Oostende en Belgique est un mélange de Thomas Nkono et d’Alioum Boukar. Nkono pour son talent exceptionnel et décomplexé et Boukar pour son parcours européen malgré le grand talent qu’il était. L’ancien de Konyaspor était d’ailleurs l’entraîneur des gardiens en 2017 lorsque le Cameroun et la nouvelle « araignée noire » remportait la CAN.

Vainqueur et meilleur gardien de la Nike Premier Cup (2010) et de l’UEFA Youth League (2014) avec les juniors du FC Barcelone : tout était pourtant bien parti pour lui sur le Vieux Continent. Toutefois dans ce monde, il est difficile en tant qu’africain de se faire une place au soleil quand aimer son pays est une priorité. Fabrice Ondoa a privilégié les Lions : il en paie les conséquences. Il attendra les matchs amicaux prestigieux ou les grandes compétitions internationales pour démontrer aux yeux de la planète qu’il est l’un des meilleurs gardiens du monde. Lorsqu’on a vu sa performance contre le Brésil le 20 Novembre dernier, on comprend pourquoi le public anglais du Stadium MK a gardé son maillot – et pas celui de Kepa : le gardien le plus cher du monde. Il a tout pour jouer dans les plus grands clubs européens et son « frère » de l’Ajax en est la preuve. Il suffit juste qu’on lui fasse confiance. Ils sont cousins, ils ont le même sang, la même nationalité, la même formation à la Masia : ils sont meilleurs que de nombreux gardiens européens.

Un Lion par efes – Pixabay CC0

Indice de victoires

On dit souvent que pour avoir une grande équipe, il faut un grand gardien. Pour les camerounais, cette affirmation est doublement vraie. On reconnaît les grandes équipes du Cameroun à la rivalité qui existe entre leurs deux meilleurs gardiens. Si elle prend des proportions internationales, c’est que le Cameroun est sur les bons rails. Les trois rivalités énumérées ici correspondent aux trois périodes de succès de la sélection en vert, rouge et jaune. Nkono – Bell : le Cameroun joue ses trois premières finales de Coupe d’Afrique (1984, 1986, 1988), remporte deux ; sort invaincu de son premier Mondial en 1982 et joue les quarts de finale de la Coupe du Monde 1990. Songo’o – Alioum : le Cameroun remporte la CAN deux fois de suite (2000, 2002), termine la CAN 2002 sans encaisser de buts, est cité parmi les favoris du Mondial 2002 et joue la finale de la Coupe des Confédérations en 2003. Ondoa – Onana : le Cameroun est champion d’Afrique en 2017 et…

 

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